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La chaîne de sobriété marketing : un cadre de réflexion pour les stratégies marketing

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Quel cadre pour nous assurer de concevoir des stratégies marketing sobres ? Que ce soit dans l’analyse de dispositifs existants, dans la réflexion pour une refonte ou dans la conception “ex nihilo”, il n’est pas évident d’avoir un cadre de pensée structuré.

À l’heure actuelle, la communication et le marketing responsables sont encore largement trustés par des logiques d’éco-conception. Les modèles d’affaires sont rarement bousculés.

Mais il ne suffit pas de mettre une couche de peinture bio pour réussir sa transition. Et les équipes marketing peuvent activement secouer le cocotier avec des approches plus radicales.

Travail en cours, la chaîne de sobriété marketing

Dans un précédent article sur la rédaction UX responsable d’une page produit des magasins Boulanger, j’avais utilisé le terme “chaîne de sobriété marketing”. L’idée maîtresse étant de penser un projet marketing en mettant en avant les éléments de sobriété en premier.

C’est donc cette idée que je tente de développer dans cet article. Comment concevoir un cadre, un outil, un canevas, qui pourrait nous guider dans des choix marketing responsables.

À ce stade, c’est plus une réflexion qui doit encore maturer. Cet article est donc amené à évoluer au gré du temps. Je vais donc le versionner et le créditer (et puis en plus ça fait classe 😉 ).

Versions et crédits

14 mars 2024 – v1.0 – Version initiale de l’article et du visuel (version produit)

Auteurs :

  • Jonathan Loriaux, auteur principal
  • Marion Duchatelet, contributrice

Cet article et son contenu sont publiés sous licence CC BY 4.0 Deed. Vous avez le droit de l’utiliser, de le modifier, de le partager tant que vous précisez les auteurs d’origine, que vous fournissez un lien vers la licence et indiquez si des modifications ont été apportées.

Présentation de la chaîne de sobriété marketing

Rien de mieux pour expliquer clairement un concept qu’un bon dessin. Voici donc la version actuelle de la chaîne de sobriété marketing pour les produits physiques (nous parlerons des services plus tard).

La chaîne de sobriété marketing – Produit – v1.0

L’idée centrale réside dans le fait que le premier maillon de la chaîne marketing doit être celui qui permet au citoyen-client d’être le plus sobre possible dans sa consommation (le sommet de la pyramide). Le marketing, quelque soit la définition que l’on utilise, a pour objectif d’influencer les décisions d’achats et de consommation.

Jusqu’à aujourd’hui, le marketing avait pour unique objectif de pousser à l’acte d’achat. Dans l’idée de marketing responsable, nous avons aussi l’idée d’achat responsable. L’acte d’achat ne doit pas uniquement être envisagé sous l’angle de la pulsion, de la peur de manquer une bonne affaire (coucou FOMO). Mais doit être aussi (et surtout ?) envisagé sous l’angle de l’impact social et environnemental.

“Est-ce qu’au-delà de me faire plaisir, mon achat est responsable ?”

Dans cette optique, le marketeur a une responsabilité énorme. Celle d’apporter les bons éléments d’information pour accompagner le citoyen vers l’acte d’achat le plus responsable possible… qui pourrait éventuellement être une renonciation à l’achat.

Dans sa version actuelle, notre chaîne de la sobriété marketing est constituée de 4 étapes, de la plus sobre à la plus “vorace” :

1. Promouvoir le renoncement

Le renoncement (Cyril Espalieu parlait du “Marketing du renoncement” dans le podcast que nous avions enregistré ensemble) est forcément le mode de consommation le plus sobre. Aucun objet nouveau n’est produit. Le renoncement est principalement provoqué par une prise de conscience et passe par une bonne information sur les conséquences de la production de biens physiques neufs ou de l’utilisation de nouveaux services.

2. Augmenter la durée de vie

L’étape légèrement moins sobre (mais si peu) consiste à tout faire pour allonger la durée de vie de l’objet que l’on souhaite utiliser. C’est principalement la réparation. Plutôt que d’acquérir un nouvel objet parce que l’ancien est défectueux, on privilégie sa réparation ou son amélioration. Cela permet de limiter les externalités négatives.

3. Valoriser la fonction

Acheter l’usage ou la fonction d’un objet plutôt que sa possession procure de nombreux avantages. Il permet de mutualiser certains objets, d’augmenter sa durée de vie, de réduire sa consommation d’énergie… Dans un modèle basé sur l’usage, l’augmentation de la durée de vie est principalement provoquée par le fait que l’agent économique propriétaire de l’objet n’a aucun intérêt économique à le renouveler trop souvent.

L’exemple le plus souvent cité est celui de l’ampoule. Quand j’achète une ampoule, je veux m’éclairer. Pas posséder l’objet. Du coup, est-ce que je dois vraiment être propriétaire de l’ampoule ? Est-ce que je ne devrais pas simplement souscrire au service “lumière” ? Ce qui aurait pour impact que mon fournisseur aurait tout intérêt à optimiser un maximum la durée de vie des ampoules et leur consommation pour améliorer sa rentabilité.

4. Se résigner à la propriété

En dernier recours, si vraiment il n’est pas possible de faire autrement, nous pouvons envisager de recommander l’acquisition de la propriété.

De prime abord, pour certains produits, il est difficile d’envisager de ne pas les posséder. Par exemple, difficile de louer une courgette… puisque vous allez la manger tôt ou tard (idéalement tôt ;-)).

Pourtant, en étant créatif, il est tout de même envisageable d’inventer des modèles alternatifs. Reprenons la question de l’alimentation avec nos courgettes. Pourquoi, plutôt que d’aller acheter des légumes, on ne deviendrait pas co-employeur du maraîcher ? On lui loue un bout de son terrain et on le rémunère pour son travail. Cela lui garantira un revenu décent, ça garantira une alimentation locale, ça garantira d’avoir la main sur le cahier des charges, de manger de saison. Ici, nous revenons à l’étape précédente. Plutôt que d’acquérir des courgettes, nous devrions plutôt nous concentrer sur leurs fonctions nourricières.

Ça ne s’applique sans doute pas à tout, mais il est possible d’aller très loin dans la réflexion en utilisant la chaîne de sobriété.

Les spécificités des services par rapport aux produits

Dans cette première version de la chaîne de sobriété marketing, nous ne traitons pas des services. Ceux-ci ne répondent pas aux mêmes mécaniques de sobriété que les produits physiques. Cette question fera l’objet d’ateliers de réflexion afin de faire mûrir le modèle.

Les usages de la chaîne de sobriété marketing

Il est difficile d’utiliser la chaîne de sobriété marketing sans avoir en tête l’impact sur le modèle d’affaire de l’entreprise. Et c’est un fait. Il n’y a pas de marketing “plus sobre” s’il n’y a pas par ailleurs une volonté de faire évoluer le modèle économique de l’entreprise.

Si les conditions sont réunies, la chaîne de sobriété marketing peut servir à :

  • Alimenter une réflexion sur la conception produit : Quelles priorités donner à quelle typologie de produit ? Est-ce qu’il y a des axes d’optimisation de la durée de vie ? Est-ce qu’il est possible de passer à un business model qui privilégie la fonction sur la propriété ?
  • Modifier le positionnement tarifaire : Sur des produits existants, comment inciter le consommateur à privilégier les produits les plus vertueux d’un point de vue social et environnemental ? Est-ce qu’il est possible de basculer sur un modèle à la location ou d’abonnement ?
  • Travailler sur un positionnement de marque : Si la sobriété fait partie de mes valeurs, comment faire pour que ce soit visible de l’extérieur de mon organisation ? Si la sobriété est une réalité dans mon organisation, comment l’incarner par ma marque ?
  • Concevoir une charte éditoriale ou un cadre des écrits : L’écrit est la meilleure manière d’incarner votre raison d’être d’entreprise ! Quels sont les mots qui prouvent ? Quels traits de caractère incarnent la sobriété ?
  • Refondre une page produit : Quels sont les comportements que j’attends de mes utilisateurs ? Par quelles étapes vont ils passer pour prendre une décision ? Comment les rassurer sur ma légitimité à proposer ce produit ou ce service ?
  • Créer un support de communication : Dans la conception de n’importe quel support de communication, vous pouvez légitimement vous poser des questions. Quels arguments avancer en premier ? Comment prouver mes affirmations ? Comment hiérarchiser les informations ?

Il y a sans doute encore bien d’autres cas dans lesquels la chaîne peut enrichir vos réflexions. N’hésitez pas à nous les partager.

Faiblesses, conditions, réflexions et autres limitations de la chaîne de sobriété

Pour pouvoir utiliser ce canevas de réflexion, il y a plusieurs conditions à respecter.

Avoir une raison d’être

Nous avons déjà évoqué ce point à plusieurs reprises dans cet article. Le mode de pensée qu’implique la chaîne de sobriété vient bousculer les modèles d’affaire traditionnels. Pour l’exploiter à son plein potentiel, il faut donc être capable de :

  • Avoir une raison d’être qui intègre de véritables objectifs sociaux et environnementaux ;
  • Développer des indicateurs clefs sur les critères sociaux et environnementaux ;
  • Sortir d’une logique de court terme ;

Ne pas être trop normatif

Sortir d’un modèle économique très normatif ne veut pas dire que nous devons tomber dans un modèle économique, certes différent, mais tout aussi normatif.

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Cela veut par exemple dire être subtil sur le curseur à placer entre besoin et envie. Ce qui est considéré comme une envie pour certains peut être considéré comme un besoin par d’autres.

Exemple : J’ai une cafetière filtre. Pas pratique quand on veut se faire un seul café. L’idéal serait d’avoir une machine à café qui sert des tasses. C’est un besoin ou une envie ? Pour mon conjoint, c’est un besoin. Pour moi c’est du superflu.

Changer les récits (en douceur ?)

Notre culture collective évolue sans cesse, mais a besoin de temps pour se transformer. Appliquer des recettes de sobriété, c’est aussi changer de récit pour faire évoluer notre culture.

Par exemple, la culture de la possession est encore extrêmement forte dans nos sociétés. Pourquoi payer si ce n’est pas pour devenir propriétaire ? Est-ce que l’on peut être satisfait si nous ne possédons pas ?

En appliquant la chaîne de sobriété, il est nécessaire de réfléchir au niveau de radicalité qui va être perçu. Est-ce qu’elle est souhaitable ou acceptable ? Est-ce que dans certains cas, elle n’est pas contre-productive et un frein à l’adoption ?

Être inclusif

Les changements de mode de consommation ne doivent pas exclure. Il serait totalement incohérent de prôner une transition écologique et sociale uniquement accessible aux plus nantis de la société, à ceux qui sont déjà les moins victimes de discriminations.

Cela demande aussi de se remettre en question en tant que spécialiste du marketing. Nous sommes majoritairement des privilégiés. Alors posons-nous la question : Est-ce que nos choix marketing sont là pour nous faire plaisir ? Pour valider notre propre vision de la société et renforcer notre statut social ? Est-ce que nous réfléchissons vraiment à mettre ces innovations au service du plus grand nombre ?

Avouer ses faiblesses

Personne n’est parfait ! Et si vous affirmez le contraire dans votre communication, vous risquez de vous prendre un retour de bâton.

Il est donc préférable d’être authentique et sincère. Avoir un discours transparent sur ce que vous faites mal, sur ce qui est perfectible, sur votre marge de progression vous permettra de désamorcer certaines campagnes de dénigrement dont les marques “responsables” sont bien souvent la cible.

Cela marquera une nette différence vis-à-vis d’autres marques qui fanfaronnent sur du vent. D’ailleurs, quand vous affirmez être bons, sourcez systématiquement vos affirmations.

Exemples de mise en pratique de la chaîne de sobriété

Voici quelques exemples de mise en application de la chaîne de sobriété. Ceux-ci seront progressivement enrichis.

Exemple Bonobo : Conception d’une affiche en magasin sur les efforts environnementaux de la marque

Depuis quelques temps, la marque de vêtements Bonobo affiche de plus en plus régulièrement ses engagements, que ce soit sur son site, dans ses publicités, ou ici dans ses magasins. En magasin, cela passe par de l’affichage, des slogans, de l’étiquetage censé démontrer les efforts réalisés… et bien souvent l’utilisation de codes graphiques militants.

Photo prise dans un magasin Bonobo

Nous allons donc (rapidement) analyser cette affiche en utilisant notre chaîne de sobriété marketing. Voici le contenu texte de l’affiche en question :

INSTINCT by Bonobo

Et si on en faisait toujours plus ?

Avoir (encore) + DE FEUILLES VERTES

Aujourd’hui, la gamme Instinct représente un produit sur deux dans nos collections. C’est facile à repérer, il suffit de suivre la petite feuille verte !

Concevoir une mode + DURABLE

Partout où c’est possible, nous utilisons des fibres biologiques ou recyclées. Notre objectif 2027 : atteindre 30% de matières recyclées.

Préserver + D’EAU

Nous avons déjà réduit de plus d’un tiers notre consommation d’eau. C’est bien mais ce n’est que le début. Objectif 2025 : 50% d’économie !

Rien que sur le slogan “Et si on en faisait toujours plus ?”, nous avons un acte manqué ! Il aurait été intéressant de prendre le contre-pied et de dire “Et si on en faisait toujours moins ?”.

Mais reprenons notre chaîne de sobriété marketing étape par étape :

  • Promouvoir le renoncement : Sans surprise, ce n’est pas du tout l’axe privilégié par Bonobo pour cette affiche. Ce n’est pas non plus un axe pris en compte sur la page engagement de leur site.
  • Augmenter la durée de vie : De nouveau, rien sur l’affiche. L’axe principal privilégié est celui de l’éco-conception. Même sur le titre “Concevoir une mode plus durable” il n’est fait aucune allusion à la durée de vie du produit.
  • Valoriser la fonction : Les deux premiers points ne sont pas traités, celui-ci ne l’est pas plus. L’affiche ne parle à aucun moment de la mission de Bonobo qui est avant tout de vêtir les gens.
  • Se résigner à la propriété : C’est tout ce qu’il nous reste 😉

Note positive tout de même, la rédaction de l’affiche comporte des objectifs chiffrés. Et ça, c’est bien, même si on aurait aimé savoir d’où on part afin de comprendre la marge de progression.

On le voit, dans cette affiche, presque rien n’est aligné avec la chaîne de sobriété marketing. Vous pourriez objecter que c’est normal, puisque l’objectif est d’expliquer le projet “Instinct” et de faire comprendre ce que cette gamme a de différent. Mais cela veut néanmoins dire que la sobriété ne fait pas partie des valeurs défendues avec conviction par Bonobo. On aurait pu avoir au moins un élément de signature du style : “Avant tout achat, pensez à la réparation et à la seconde main !”

C’est d’autant plus dommage que les engagements du Groupe Beaumanoir dont fait partie Bonobo, eux, reprennent largement les différentes étapes de la chaîne de sobriété marketing. Il faut croire que le déploiement de cette stratégie dans toutes les marques du groupe, jusque dans les départements marketing et communication, prend un peu de temps.

Exemple Boulanger : Refonte UX d’une page produit

Voir notre article sur le sujet “Rédaction UX responsable : Exemple d’une fiche produit Boulanger”.

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