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Interview de Jean-Marie Perbost, La Belle Transition : « … le marketing du suffisant »

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Dans ce podcast, Jonathan Loriaux discute avec Jean-Marie Perbost, co-fondateur de « La Belle Transition », une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des organisations en transition. Ils évoquent la transformation du secteur du marketing et de sa perception au fil des années. La Belle Transition, c’est aussi la structure qui a accompagnée Badsender dans la rédaction de sa raison d’être d’entreprise.

Jean-Marie explique que la nature omniprésente du marketing, en particulier dans les médias sociaux, a conduit à une fatigue du marketing. Il aborde aussi le sujet du « greenwashing » et comment le marketing, parfois, embellit ou exagère la vérité pour favoriser la vente de produits ou services. Par ailleurs, il évoque l’importance du marketing stratégique face au marketing opérationnel et insiste sur le rôle crucial du haut management pour initier et piloter des changements significatifs au sein des grandes entreprises, en particulier en matière de transition écologique.

« […] le marketing du suffisant. À un moment donné, comment est-ce qu’on apporte la joie. Comment est-ce qu’on a la satisfaction de se dire « J’ai ce qui me suffit ».[…] »

Retrouvez le site de La Belle Transition : https://www.labelletransition.fr/ et le site du Mi.lieu https://www.le-milieu.fr/

Liste des références citées pendant le podcast : Everide, Veja

Pour écouter, c’est ici !

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La transcription texte du podcast enregistré avec Jean-Marie de La Belle Transition

Jonathan Loriaux, Badsender
Bonjour Jean-Marie.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Bonjour Jonathan.

Jonathan Loriaux, Badsender
Je suis vraiment ravi que tu sois là aujourd’hui. Ça me tenait à cœur de t’inviter dans ce podcast pour plusieurs raisons. D’une part, parce qu’avec Roxanne, tu as accompagné Badsender dans sa démarche de réflexion autour de la raison d’être de la société et d’autre part, parce que tu es économiste et que c’est intéressant aussi, sur ces questions là, d’avoir une vision de ce type là sur la place que peut, ou doit avoir le marketing dans une entreprise en transition. Et du coup, pour commencer, est-ce-que tu pourrais te présenter, nous dire d’où tu viens et ce que tu fais de tes journées en général ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Alors je m’appelle Jean-Marie Perbost, j’ai 45 ans. Aujourd’hui, je suis le cofondateur de La Belle Transition qui est une entreprise qui accompagne des organisations dans leur souhait de transition, dans leurs modalités de transition, dans leurs besoins de formation pour préparer tout ça. Des organisations qui peuvent être des entreprises ou des organisations publiques. On accueille aussi des étudiants de différents profils pour partager leur parcours de formation. Moi, je suis arrivé à ce métier là après un tour du monde. Ça fait très cliché, le tour du monde qui fait bifurquer. Il n’empêche que prendre quasiment un an à un moment donné de sa vie ou de sa carrière, ça fait du bien. C’est important de prendre du recul pour voir les choses et notamment voir les choses différemment. Je dis « différemment » parce qu’effectivement on est allé avec Roxane, voir d’autres réalités, d’autres façons de voir les choses. Précédemment, j’ai fait une école de commerce, donc j’ai été biberonné dans mes études supérieures au marketing, qui était en tout cas à cette époque, fin des années 90, encore très classique, ça l’était sans doute un peu trop pour moi. Je n’ai choisi ni marketing, ni finance. J’avais choisi une option qui s’appelait économie à l’Ecole supérieure de Commerce de Paris. Et rapidement, j’ai fait un tour en cabinets de conseil. Les gros cabinets, ça ne m’a pas beaucoup plu. Et donc j’ai plutôt décidé de monter mes entreprises que j’ai fait dans des domaines différents. La première, c’était dans la production de musique. Ensuite j’en ai fait dans les grands vins et plutôt sur la partie en ligne. Et ensuite ça a été plutôt une aventure dans la presse avec un prisme assez fort sur le fait d’expliquer les choses. En école de journalisme, c’était interdit de mettre un point d’interrogation dans les titres. Nous on ne mettait que des points d’interrogation dans les titres et on essayait d’expliquer en utilisant tout un tas d’autres ressources comme la data visualisation, les statistiques… Des choses qu’on voit maintenant beaucoup plus dans les journaux. Et heureusement pour les lecteurs, les auditeurs, les téléspectateurs, il y a le soin d’expliquer. Et comme Le Monde devient un peu compliqué, je trouve que c’est une bonne chose. Et en parallèle, pendant 19 ans, j’ai enseigné l’économie en prépa HEC. J’ai vu à la fois les nouvelles questions qui se posaient en macro-économie, qui venaient se décliner en micro-économie. J’ai vu le profil des élèves aussi qui changeait ainsi que le profil de certaines entreprises. Et tout ça étalé en presque 20 ans. Ça a vraiment beaucoup changé, en tout cas beaucoup plus que les 20 et 20 années qui précédaient.

Jonathan Loriaux, Badsender
Sur le profil des élèves, qu’est-ce-qui a changé ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Sur le profil des élèves, en 2000, quand je les formais aux oraux des écoles, je faisais un test quand j’avais tous les élèves dans l’amphi, c’est à dire à peu près 120 et je leur demandais « Qui veut faire marketing ? » Il y avait à peu près 40 % de l’amphi qui levait la main. Ensuite « Qui veut faire finance ? » Il y avait 40 % d’amphi qui levait la main et environ 10 % qui ne savait pas trop ou qui dormait, qui ne répondait pas. Mais en tout cas le monde des écoles de commerce pour ceux qui allait y entrer, c’était marketing ou finance. Voilà, c’était un peu fait comme ça. Et en 2018, quand j’ai posé la question pour la dernière fois « Qui veut faire marketing ? » J’ai eu huit mains qui se sont levées sur 120. « Qui veut faire finance ? » À nouveau huit mains. Donc là j’ai vraiment cru qu’ils dormaient. J’ai reposé la question, ils m’ont dit « non, non, ça on ne veut pas le faire. »

Jonathan Loriaux, Badsender
Que veulent-ils faire du coup ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Alors voilà, ça c’est une génération qui selon moi s’est construite par déjà ce qu’ils ne voulaient pas faire. Alors je ne sais pas comment ils se sont construits en prépa parce qu’ils n’étaient pas encore en école. Je ne sais pas comment ils s’étaient construits une certaine idée du marketing, une certaine idée de la finance, différemment de leurs prédécesseurs. Je ne sais pas si l’éducation numérique qu’ils ont eue et que nous n’avons clairement pas eue à jouer d’une manière ou d’une autre là dedans. Et c’est vrai que ces majeurs ne sont pas aussi reines qu’auparavant. Parce que sont passées par là, la culture startup des métiers qui sont nouveaux, une envie de création d’ entreprise qui est beaucoup plus forte mais qui ne se manifeste pas forcément dès la sortie d’école parce que manque d’argent, manque de réseau, manque d’expérience, manque de relationnel parfois. Mais en tout cas, la partie marketing et finances avait incroyablement diminué et on le retrouve de manière très nette dans les grandes boîtes de marketing, pas celles qui font le plus mais celles qui recrutait le plus dans ces écoles de commerce. Elles ont du mal à recruter. Aujourd’hui, on dit Total a du mal à recruter. En vrai, c’est pas si facile que ça non plus pour L’Oréal ou pour la grande conso, bien qu’ils ne le disent pas mais on le sait parfaitement.

Jonathan Loriaux, Badsender
On reviendra sur ces questions dans quelques instants. Tu as parlé de la belle transition. Il y a aussi une autre activité qui s’appelle Le Mi.lieu.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Oui, avec plaisir. Alors, La Belle Transition, on est dans l’Aude, on est près de Carcassonne, entre entre Toulouse et Montpellier. On a « récupéré » l’utilisation d’un lieu qui est dans la famille de Roxane, qui est un château du XVI? siècle, qui a eu une très longue activité viticole et vinicole. Et ce lieu est devenu un lieu de réception dont l’activité économique est surtout, pour faire court, des mariages essentiellement l’été. Et on trouvait qu’il n’y avait pas besoin de créer des nouveaux lieux. Une partie de la transition, c’est d’utiliser au mieux ce qui existe déjà. Donc on a essayé de lui donner une vie économique en semaine et tout le reste de l’année. Et c’est là qu’on prépare nos formations, qu’on les accueille en partie. Donc ça, c’est la partie entreprise, la Belle Transition. Et puis à côté de ça, on s’est dit ce lieu, il est à nouveau sous utilisé, même s’il y a deux entreprises qui en font l’exploitation, il peut avoir une utilité sur le territoire. Et là du coup, pour bien séparer les choses parce que ça a deux vocations différentes, on a créé une association qui s’appelle Le Mi.Lieu. Enfin, qui s’appelle des milieux vivants, et le Mi.Lieu est l’endroit où ça se passe. Alors pourquoi Le Mi.Lieu ? Parce-que, comme je le disais précédemment, on est au milieu entre Toulouse et Montpellier, aussi parce qu’on est au milieu des vignes. Et parce-que les milieux vivants, c’est quelque chose qui amène à penser de manière un peu différente. Ce n’est pas simplement la nature comme paysage, pas simplement l’environnement comme santé des sols, de la faune, la flore, mais c’est un ensemble beaucoup plus important où l’humain à sa place, où il y a un historique qui peut passer par la pratique de la chasse, qui peut passer par toute une histoire du milieu avec laquelle il faut faire. Et ça permet de prendre les réalités avec leurs complexités physiques, humaines et culturelles. On y accueille des conférences. Cet après-midi, on fera une conférence sur les nouveaux usages des champignons dans la construction, dans les déchets avec un ami qui est venu nous voir de Londres qui s’appelle Marc Violeau. Mais on a reçu aussi, la chasse aux œufs des enfants du village en plein air il n’y a pas longtemps…

Jonathan Loriaux, Badsender

Du coup, pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet de ce podcast qui est « Est-ce-qu’il est possible d’allier sobriété et marketing ? Est-ce-que tu pourrais nous faire une plus ou moins brève définition de ce que c’est pour toi le marketing ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition

Une définition ? En tout cas, le fait qu’il y ait autant de définitions du marketing montre que déjà il y a un loup. C’est à dire que vous avez les quatre p, les sept P…on essaye d’y rajouter à chaque fois plein de choses. Ces définitions qu’on donnait en école et qu’on donne toujours, elles fonctionnent essentiellement par agrégat de plein de trucs et ce qui montre que le marketing n’a jamais bien trouvé, à mon sens sa pleine signification dans l’entreprise. C’est à dire que c’est un puzzle où on met un peu de stratégie, un peu de pub, un peu de commercialisation, puis une fois que le numérique arrive un peu de stratégie numérique. C’est une fonction un peu foireuse en fait, mais ça ne veut pas dire qu’elle est inutile, ça veut dire qu’elle a encore du mal à trouver sa place. Certains Québécois disent « la mercatique », qui est, on va dire, la science de la mise sur le marché. Et moi, je dirais que c’est un mélange de marchandisation et de marchandage. C’est à dire que la partie marchandisation, c’est de dire qu’on va transformer des valeurs qui n’ont rien à voir avec des produits en produits ou services. Ensuite il y a la partie marchandage.

Jonathan Loriaux, Badsender
Et du coup, c’est vrai que c’est un mot un peu fourre tout et que tantôt, il est valorisé et pour d’autres, c’est une horreur de faire du marketing. Et qu’est-ce-qui fait justement qu’on n’arrive pas forcément à bien définir ce qu’il l’est et ce qu’il fait ? Ou est-ce-qu’au final, peut-être qu’on aurait dû inventer des terminologies ? Avec Marion, on a déjà discuté du fait qu’il y a une grosse incompréhension et un gros mix entre ce qui est du marketing stratégique, et plutôt ce que tu évoquais en premier lieu, c’est à dire essayer de trouver mon marché, le bon positionnement prix, éventuellement des ensembles de valeurs qui pourraient essayer de coller à ma marque. Et puis après, le marketing opérationnel, c’est comment mettre en pratique cette stratégie et comment sur le terrain, arriver à toucher des consommateurs, des consommateurs potentiels ? J’en reviens, en fait, à ce que tu disais par rapport à tes étudiants, ça faisait peut-être un peu rêver de bosser dans le marketing il y a 20 ans. Aujourd’hui, ce n’est pas forcément la partie qui excite le plus de monde, voir ça peut être quelque chose qui est vu comme extrêmement négatif. Pourtant on a tous un peu besoin de marketing. Et si je reprends le boulanger du village, le seul fait qu’il ait une enseigne sur son point de vente, c’est déjà du marketing en fait. Donc est-ce-que c’est quand même une fonction qui restera nécessaire tu penses ? Comment doit-elle éventuellement évoluer ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
C’est une fonction comme tu dis, qui est nécessaire à partir du moment on se pose les bonnes questions. Le boulanger dans le village, est-ce-que c’est juste de la communication ? Est-ce-que c’est de l’information ? S’il met juste un panneau pour dire « Il y a une boulangerie » c’est de la pure information. Et c’est là où en fait le marketing en essayant de devenir une « science », (alors je mets science avec des guillemets) de mettre des méthodes, est allé de plus en plus loin de l’information et de plus en de plus en plus loin de la communication pour arriver à tout un tas de…alors dans le pire des cas de manipulations ou de mensonges. Dans la transition on va appeler ça le greenwashing. Mais, en fait, on pourrait faire du liberté washing, on pourrait faire du tout ce qu’on veut washing. C’est un art de washer, alors que tout un tas d’autres actions opérationnelles sont très utiles pour les produits et les services. Oui, une boulangerie, c’est bien que les gens sachent qu’elle soit là. Maintenant, si la boulangerie commence à dire « Avec mon pain, tu trouveras une femme plus rapidement », là ça y est, ça devient problématique. Mais sauf qu’en fait, c’est l’histoire même du marketing des voitures, en tout cas pendant des années. Donc c’est pour cela que c’est très très différent de ce qu’on y fait aujourd’hui. Aujourd’hui, à mon avis, le marketing est confronté à à deux difficultés du fait des réseaux sociaux. La première, c’est que tout est marketing. Un compte Instagram, ça intègre le marketing de sa propre vie puisqu’on prend évidemment, les photos où on est mis en valeur soit par l’esthétique, soit par la situation. Et donc en fait, à partir du moment où les gens se market tout le temps, il y a une fatigue du marketing. Il y a une deuxième chose, c’est que du coup il y a une connaissance naturelle du marketing. Ce qu’on fait pour soi quand on se dit « C’est bon, j’ai pris la photo pile au bord de la piscine où il y avait le bon rayon de soleil et en plus j’ai mis les bons filtres ». Évidemment qu’on a une connaissance interne de ça qui fait qu’on décrypte les manipulations des produits et que donc en gros, entre le fait que soi même on fait beaucoup et deuxièmement qu’on a compris comment les marques le faisaient, il y a peut être une perte de confiance à cet ensemble de techniques là. Maintenant, tout le monde fait du marketing en fait, ce qui n’était pas le cas avant.

Jonathan Loriaux, Badsender
Ça veut dire qu’il y a peut-être une perte de repères sur ce qui est la réalité. L’exemple Instagram, il est très évocateur car effectivement quand on poste des photos sur Instagram, à titre individuel ou quand on est influenceur, on ne poste que ce qui est valorisant. Ce qu’on fait passer pour être notre vie normale ne sont peut-être que quelques instants un peu particuliers. Et, en fait, on a une déformation, petit à petit, de la vision que l’ensemble des citoyens et des consommateurs peuvent avoir. C’est toujours intéressant justement cette distinction de nommer les personnes soit en citoyen, soit en consommateur. Et dans le monde du marketing, tout le monde est un consommateur. Moi c’est un truc qui me perturbe assez régulièrement. Et du coup on a cette vision qui progressivement est tronquée de ce qu’est le monde et ce qu’il devrait être réellement.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
C’est vraiment intéressant comme réflexion. Soit, en fait, on est perdu et les gens sont perturbés, soit au contraire ils sont très lucides. Et en fait, du coup, est-ce-qu’on a envie que son propre métier devienne d’être un peu « un petit menteur » en permanence ? Je ne sais pas, c’est peut-être fatiguant en fait. Il y a des marques qui y arrivent très bien par rapport au prestige de la marque. En fait, on s’en fout de dire « Je suis en marketing chez Vuitton ». Ce qui fait plaisir à l’ego, c’est de dire qu’on bosse chez Vuitton, donc chez LVMH. En marketing, c’est peut-être parce qu’on était plus doué pour certaines choses que pour les chiffres et qu’on n’y est pas allé en finance. Donc il y a une différence entre le luxe, c’est à dire, l’attrait intrasèque de l’entreprise comme marque et elle-même. Quasiment l’entreprise devient le nom de l’entreprise, son prestige et pas le nom des produits. (Justement, c’est ça qui est un peu différent.) L’entreprise, sans même évoquer ses produits, suggère un prestige. Donc aller bosser en marketing chez Vuitton, ça continue d’attirer pour ces raisons là. Mais malheureusement, c’est un petit nombre des effectifs du marketing en France et pour beaucoup d’autres, s’il n’y a pas la magie du luxe ou la magie de certains grands noms qui opère, on tombe dans ce côté que les gens maîtrisent peut-être mieux et qui est de dire « Comment est-ce-que je vais gratter des ventes en fait ? » Et le marketing n’utilise pratiquement jamais le mot commercial. Parce-qu’il n’aime pas ça, parce-que le mot commercial véhicule encore la personne qui fait le vrp ou la sur-promotion. Mais en fait, la personne du marketing peut passer un temps incroyable à faire du commercial, c’est à dire faire l’action pour vraiment vendre de très près, au très très près de la vente. Finalement, que ce soit par la promotion, que ce soit par le démarchage, que ce soit par tout un tas de techniques qu’elle a l’habitude de mobiliser.

Jonathan Loriaux, Badsender
Moi je suis en train de flinguer ma trame, mais ce n’est pas grave parce-que ça m’amène quand même à un sujet qui me travaille au quotidien. C’est sur l’impact qu’ont les marketeurs sur la représentation du monde. Ce que c’est la modernité, ce que c’est le progrès, le succès, la réussite. Et j’ai quand même une conviction qui est que le marketing, pour reboucler avec les sujets de transition écologique, a une grosse responsabilité sur le fait qu’ aujourd’hui, pour montrer ta réussite, tu as besoin d’avoir une grosse bagnole, tu as besoin de voyager loin, parce-que si tu fais des voyages de proximité, tu ne pourras pas le montrer sur Instagram à tes copains et donc tu ne montreras pas que ta réussite est pleine et complète. Et aussi, sur les questions de modernité, si tu fais telle ou telle action, si tu as tel mode de consommation, ce n’est pas moderne, ce n’est pas ça le progrès, donc ce n’est pas forcément valorisé. J’ai l’impression que la publicité, toutes les démarches marketing qu’on a, influencent quand même globalement la société dans un certain type de consommation. Et du coup, pour reboucler un peu avec ma trame, c’est est-ce-que au final, la responsabilité du marketeur dans la transition, ce n’est pas justement d’apporter ce qu’on appelle « les nouveaux récits » et d’essayer d’infléchir un peu cette vision du monde que le marketing peut apporter ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Alors, il est évident qu’il a une responsabilité, mais comme au même titre que beaucoup d’autres personnes dans l’entreprise. Le problème, c’est que la responsabilité de tout ça est très dissoute. C’est à dire que, évidemment, qu’il n’y a pas une personne dans sa position de giga marketeur ou de marketeur d’une super grosse boîte ou d’un produit incontournable, qui peut influencer nos imaginaires. Maintenant, la somme de tout ça, la somme dans le volume et la somme dans le temps a évidemment façonné nos imaginaires. Et donc il y a une déresponsabilisation logique qui est de dire « Ce ne sont pas mes pubs qui ont fait la culture mondiale de ce que c’est la réussite. » Et c’est clair que ce ne sont pas les pubs de telle personne ou de tel produit. Maintenant la somme de tout ça arrive à faire quelque chose de différent de l’idée de départ. Et ce côté d’en être déresponsabilisé, ça rend le problème plus difficile à résoudre. Après moi, je ne veux pas accabler le marketing plus que d’autres fonctions. Honnêtement, pour l’instant, si on parle de l’univers de la transition, les gens et les artistes n’ont pas fait beaucoup plus que les marketeurs, malheureusement. Pourtant, on pourrait les opposer, dire les artistes, justement, ne sont pas que sur un côté marchand, ils prennent le temps, ils prennent le recul, ils sont à l’abri des des soubresauts économiques. Mais si on regarde quelles sont les supers œuvres de fiction en littérature, en cinéma, en peinture qui abordent la transition, et l’art participe aussi à façonner l’imaginaire, en fait, ce n’est pas terrible non plus ce qui a été produit. Donc en groupe, personne n’y arrive. Les marketers pas plus que les autres. Maintenant, les autres ne font pas grand chose et les marketeurs, eux, pour le coup, sont quand même, en quantité d’images produites, très actifs. C’est à dire que le nombre de sollicitations quotidiennes qu’on reçoit et qui est issu de ce que tu disais avec justesse, à savoir « Voilà l’idée de la réussite, voilà l’idée de la consommation qu’il faut avoir, » fini par poser problème dans le nombre. Le marketing souvent vient au soutien de produits qui ne sont pas terribles. Meilleur est un produit ou un service, moins il a besoin d’un marketing qui pose problème. Quand on a un produit ou un service qui apporte la solution, il n’y a pas besoin d’en rajouter beaucoup pour le vendre. Et donc, en fait, on peut aussi suspecter que le marketing fait des gros efforts sur des produits mauvais ou moyen, moyen plus, qui essaient de se faire passer pour meilleur qu’ils ne sont, par tout un tas d’argumentaires. Est-ce-qu’il faut les défendre ces produits, ces services moyens à tout prix ? Je ne sais pas, je n’en suis pas persuadé.

Jonathan Loriaux, Badsender
Du coup, ça me permet de reboucler avec la trame que j’avais préparée. Parce qu’avec la belle transition, vous rencontrez, vous accompagnez des entreprises qui sont principalement traditionnelles. Et est-ce-que tu peux nous expliquer pour quelles raisons elles viennent vous voir ? Et pour en revenir à d’autres éléments, est-ce-que c’est réaliste que des grosses structures traditionnelles, (et vous n’accompagnez pas que des grosses structures, pour le coup) arrivent à réellement faire leur révolution et à se transformer profondément ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Alors pourquoi ils viennent nous voir ? Il y a plusieurs cas. Il y a des cas de profondes convictions, y compris en entreprise de très grosse taille, et dont le business model est jusqu’ici très traditionnel. Souvent parce-qu’ une personne ou un groupe de personnes dans l’entreprise a décidé de s’attaquer à ce sujet là et a eu le pouvoir et les connexions dans les rapports de force de l’entreprise de commencer à engager des formations en interne. Ça peut passer par le patron, ça peut passer par quelques personnes au Comex.

Jonathan Loriaux, Badsender
C’est souvent des personnes clés dans la société relativement haut placées qui peuvent faire bouger les lignes, ou ça peut parfois venir de la base aussi ?

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Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Pour l’instant sur les grosses structures, si le haut ne bouge pas, ce n’est pas possible. Parce-que le haut a les actionnaires qui sont à côté ou derrière. Il a la lourdeur des processus décisionnels. Si ça ne bouge pas d’en haut, (là je parle d’entreprises comme des banques, des assurances, des choses aussi grosses que ça) il faut une volonté particulière et personnelle. Ce qui se passe ensuite et pourquoi ils viennent nous voir, mais tout ça se cumule, c’est parce-qu’il y a des législations qui arrivent ou qui sont arrivées et qui les amènent à bouger. Il y a des régulations dans le secteur bancaire, il y a tout un tas d’obligations nouvelles qui viennent soit de l’Europe, soit de la France. Et qui disent « Ah oui, quand même, faudrait qu’on inculture un peu nos managers ou nos salariés parce-que sinon ils vont le prendre que pour de la contrainte. Ca serait mieux qu’ils sachent un peu pourquoi on leur demande tous ces nouveaux efforts. Et ensuite, il y a d’autres raisons qui là aussi c’est cumulatif par rapport à ce qu’on disait en début d’échange de ce podcast. C’est une difficulté à recruter pour certains à partir du moment où les jeunes ou certains jeunes ont un souci, on peut dire écologique, environnemental, climatique, en tout cas une préoccupation pour la transition, qui fait qu’ils regardent avec soin les pratiques de leurs employeurs, comment leur employeur se situe sur la transition ? Fatalement, il faut avoir quelque chose à leur dire. Et parfois, c’est la RH qui vient dire « ça serait bien qu’on commence à construire un discours ».

Jonathan Loriaux, Badsender
Du coup, là, on reboucle avec du marketing parce qu’on travaille la marque employeur, pour attirer des talents.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Là on travaille la marque employeur. Mais, là aussi, il faut travailler plus que la marque. Si on travaille la marque sans la stratégie, les jeunes diplômés le voient parfaitement aujourd’hui. Alors, certains souhaiteraient ne travailler que la marque. Mais ils se font rapidement rappelés à l’ordre par le marché du recrutement. Et puis il y a aussi la peur comme motivation à venir. En gros, on sent quand même qu’il y a un énorme virage qui se passe. On est pris dans nos problématiques quotidiennes : problématiques de marché, problématiques marketing, problématiques financières. Mais on sent quand même que ce truc là, on n’y a probablement pas accordé suffisamment de temps par rapport à l’importance sociétale et de marché que c’est en train de prendre. Mais est ce qu’on a pris le virage assez tôt ? Et comment est ce qu’on fait pour remonter dans le wagon sans dérailler quoi ?

Jonathan Loriaux, Badsender
Justement, je voulais t’amener sur un autre un sujet qui est tout à fait connexe, c’est qu’aujourd’hui, la plupart des entreprises qu’on a rencontrées dans ce podcast, ce sont plutôt des entreprises qui se disent écoresponsables, qui ont réellement l’envie de peser, d’avoir un impact sur la transition, qu’elle soit écologique ou sociale. Et du coup, leur modèle, c’est plutôt d’être dans un modèle de croissance dans lequel, par la croissance de ces structures là, on va progressivement retirer de l’activité économique aux acteurs traditionnels qui n’ont pas forcément les bonnes pratiques. Et par notre croissance, on va progressivement imposer un modèle économique qui est plus vertueux. Et du coup, ce que j’entends en creux, c’est que certains peuvent commencer à détecter une certaine menace venant de ce côté là, sachant que ces entreprises, elles ont quand même un peu de mal à vivre et à vraiment se développer, ce n’est pas encore si simple pour elles. Ils sont en train de se poser des questions et de se dire « Est-ce-que c’est vraiment les acteurs qui se créent sur des bases qui sont déjà vertueuses, qui leur font peur ? » Ou est ce que c’est le fait qu’un de leurs concurrents aille un peu plus vite dans la transition qu’eux- mêmes et les prenne de vitesse ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
On n’ est pas loin des questions sur la croissance là, c’est vraiment important. En fait, pour moi, il y a deux cas très différents. Effectivement, c’est bien d’aller grignoter des parts de marché à des entreprises moins vertueuses, donc même carrément du monde d’avant. C’est à dire qu’il faut proposer des produits d’aujourd’hui qui rentrent dans le cadre des objectifs de Paris. Et donc il faut aller substituer l’achat d’un produit à un produit plus vertueux. Donc c’est très bien qu’il y ait de la croissance, cette croissance de remplacement. Le problème, c’est que si on regarde les plus gros émetteurs mondiaux, en fait, c’est quasiment des secteurs qui maintenant sont fermés. C’est à dire que par concentration successive ou par volume d’investissement, c’est devenu des oligopoles, des duopoles et en tout cas des secteurs qu’on ne peut pas attaquer. Donc allez dire « J’ai une marque de fringues plus vertueuse et donc achetez ma chemise qui est faite de manière responsable plutôt qu’une chemise faite en matière dégueulasse, dans des conditions sociales dégueulasses. » Ça, on va dire, c’est plus facile. Je ne dis pas que c’est facile. Vos podcasts précédents rappellent que c’est un combat pour les entrepreneurs qui montent ces projets là mais qui peuvent y arriver. En revanche, aujourd’hui, si on prend les secteurs les plus polluants, on ne va pas monter une alternative à Total. Même les écolos, les plus forcenés, mettent quand même un peu d’essence dans leur réservoir. Donc aujourd’hui, quasi personne n’a la capacité de remplacer Total, quasi personne n’a la capacité de faire de l’acier à la place d’Arcelor-Mittal. Le marché de la viande des bovins est tenu à 80 % par quatre entreprises au niveau mondial. Donc c’est là où c’est assez compliqué, c’est que les marchés sont vraiment très différents. Ces rentes là, ce sont des marchés qui sont quasiment devenus des rentes ou des marchés qui ne sont presque plus concurrentiels. Dans ce cas, on ne peut presque plus rentrer, ni à coup de marketing, ni à coup d’entreprenariat forcené. Donc il faut faire les deux.

Jonathan Loriaux, Badsender
Et finalement, parce-qu’ on revient aussi sur le sujet des ordres de grandeur qui est « oui, c’est très bien d’acheter un jeans en coton bio qui a été confectionné au Portugal », mais au final, ce n’est pas forcément ça qui dans ton bilan carbone personnel, est ce qui compte le plus. Mais, par contre du coup (on s’éloigne du thème du podcast), mais si je prends le transport maritime qui fait partie de ces secteurs ultra fermés purement be to be et qui pèse lourd. Demain, il est évident que ce n’est pas une petite structure avec son voilier qui va remplacer quoi que ce soit. Donc quel est l’espoir de faire réellement bouger ces grandes structures ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
L’espoir, il y en a plusieurs. Il y a un espoir législatif ou de pression sociétale, qu’ils soient contraints à ne plus réaliser certains investissements, qu’ils changent la façon dont ils préparent l’avenir. Ça c’est important. Un des trucs emblématiques là dessus, c’est le projet Eacop de Total en Ouganda, qui devrait réellement être arrêté. C’est un endroit, un parc naturel magnifique dans lequel on est passé avec Roxanne pendant notre tour du monde. Et c’est une aberration à tout point de vue. Il faut les forcer à préparer l’avenir de manière différente. Les forcer à diriger leurs efforts de recherches. Tous les millions que Total met par fainéantise pour aller creuser un puits en Ouganda. Ces millions, ou plutôt ces milliards là, il ne les met pas, pour préparer d’autres types de carburant ou d’autres types de mobilité. Les banques sont une grosse partie du cœur du sujet. Les banques, elles, ont un pouvoir colossal de redirection de leur argent, pas simplement les banques d’affaires. Les gens qui ont les moyens confient leur argent pour des placements, mais y compris dans l’accompagnement de leurs clients qui sont les vrais entreprises du quotidien. Parce-que toutes les entreprises, PME et ETI plus grosses ont une banque. Et une banque qui finance au bon taux le bon investissement dans la transition, ça, ça permet d’accélérer les choses. Ensuite, très clairement, il y a des entreprises qui doivent tomber. Simplement, aujourd’hui, si demain ou la semaine prochaine, Total ferme et ses produits ferment, c’est le chaos, en fait. La société est dans le chaos. Alors qu’il y a d’autres produits, honnêtement, on n’en a rien à foutre. Il y a des produits, si demain on te dit « cette merde en plastique chinoise qui sert à rien et dont le plastique va durer 1000 ans, qui a cramé du pétrole pour en fait un avantage sociétal, approche de zéro, si demain ça ferme, c’est pas grave du tout. » Et ça, c’est ce qu’il faut dégommer en premier. C’est à dire que moi je suis favorable, si tu veux, à relativement court terme, à des autorisations de mise sur le marché. De la même façon qu’on le fait pour des questions de santé, pour les médicaments, voir dans l’alimentaire pour certains types de produits, je serais aujourd’hui favorable à ce que sur le plan du carbone, mais pas seulement, on pourrait se dire sur le plan du carbone, de la biodiversité, de la quantité de plastique, qu’un produit n’arrive que si on l’autorise à le mettre sur le marché en fonction de son utilité, en tout cas en fonction de la balance entre son utilité et ses externalités négatives, directes ou indirectes.

Jonathan Loriaux, Badsender
C’est difficile de reboucler avec notre sujet du marketing derrière, mais je vais quand même faire une tentative parce-qu’ effectivement, c’est vrai que la plupart des marques qu’on a rencontrées jusque là, ce sont des marques qui proposent des produits finis aux consommateurs et aux citoyens. Et donc effectivement, on comprend assez facilement que pour eux, modifier la consommation à la marge, c’est faire du remplacement. Plutôt que d’acheter le produit A qui n’est pas vertueux, j’achète le produit B qui est au moins un peu mieux que le premier. Après, si on revient à des sujets plus structurants et Total y revient systématiquement dans ces discussions (c’est assez hallucinant, en France, on a du mal à trouver d’autres exemples, il y en a plein d’autres, mais celui là revient tout le temps), on peut effectivement forcer Total à bouger et c’est surtout le pouvoir politique qui va être capable d’imposer de nouvelles normes et de rendre la redirection d’investissements sur ce qui va vraiment permettre de faire la transition. Pour autant, Total est fort aussi parce que dans l’imaginaire collectif, il reste indispensable d’avoir une voiture pour la plupart des gens comme toi et moi, en habitant à la campagne. Et aujourd’hui, on ne serait pas capable de se passer d’une voiture quasi au quotidien ou en tout cas avec beaucoup de difficultés pour faire des choses relativement simples. Donc là, on revient sur le pouvoir politique d’une part et et d’investissement collectif. Mais il y a quand même aussi une question d’image et de perception de nouveau, de ce qui est moderne et de ce qui est la liberté. Si on impose des normes, on va avoir des levées de boucliers parce-que les imaginaires collectifs ne sont pas encore prêts aujourd’hui à les assumer. Et donc, je termine juste mon exposé, c’est qu’il y a beaucoup de normes qui sont arrivées sur la publicité ces douze derniers mois, notamment auprès du secteur automobile, et sur le fait qu’on ne peut plus parler de neutralité carbone sans apporter des preuves de cette neutralité à tout point de vue. Mais j’ai l’impression que ça enrichit le greenwashing. Si on prend PSA, qui s’appelle Stelantis, c’est un des plus gros lobbies pour faire repousser la date d’arrêt des moteurs thermiques, mais ils ne font plus que de la publicité pour leurs voitures électriques et parce qu’en gros, ils y sont quasi obligés. Mais la législation qui est censée faire qu’on avance vers la transition leur permet de faire mieux leur greenwashing en fait.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Dans le cas précis de Stelantis, je crois que Tavarez ne croit pas à l’électrique en fait. C’est à dire qu’il pense que c’est un choix politique qui est une erreur industrielle. Il l’a dit. Il ne fait pas beaucoup interview, mais il l’a dit. Et c’est pour ça que je pense qu’aujourd’hui, il fait ce qu’on lui demande de faire sur l’électrique. Mais il pense que la solution environnementale ne passe pas par l’électrique. Et là où il n’a pas forcément raison, c’est que peu importe aujourd’hui en fait, la question de l’électrique ou pas électrique, c’est secondaire. Il y a beaucoup de débats là dessus sur le recyclage des batteries etc… Mais la vraie chose, c’est le poids. Par rapport au bilan carbone d’une voiture, ce qui écrase tout c’est le poids de la voiture et Tavarez disait  » Quand je suis rentré ingénieur chez Peugeot, on sortait des voitures à moins de 800 kilos. Aujourd’hui, on me demande de faire des électriques à une tonne-deux ou une tonne-trois. » Il vient de là le problème. Quand il dit « on me demande » on pourrait dire « mais personne ne te demande, tu es PDG de Steelantis. » Même lui va un peu avec l’évolution du marché et ce que demande le politique. Donc c’est assez complexe.

Jonathan Loriaux, Badsender
Là où je voulais en venir, c’est qu’au final le problème ce sont les modes de déplacement individuel. Oui, c’est là où l’image et la conception qu’on a de ce qui est positif, moderne, etc… doit évoluer dans les têtes. Là, où j’habite, il y a des directions qui sont impraticables en transport en commun. D’une part, parce-que peut être les transports en commun à la campagne sont peu utilisés quand ils existent et que du coup les pouvoirs publics se disent « si on en développe d’autres, ça ne sert à rien, personne ne va les prendre de toute façon ». Parce-que globalement, l’image qu’on en a n’est pas quelque chose de particulièrement positif.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Oui, il y a des signaux de marché qui sont un peu différents. Il y a ce que tu dis. Je vois un bus passer devant ma fenêtre, un bus de 40 places. Alors, le matin, il emmène des collégiens, lycéens à l’école. Donc là, il est plutôt plein et il accepte de prendre des personnes en plus du transport scolaire. La journée, sur les 40 places, il y a sur chaque trajet, à peu près quatre ou cinq personnes dedans et pourtant la ligne existe. Et à côté de ça, il y a la ville de Montpellier qui a rendu tous les transports publics gratuits. C’est un succès. La région Occitanie qui fait des trains TER à 1 €, c’est un succès. L’Allemagne qui vient de faire un forfait tout transport public mensuel à 49 €, c’est un gros succès. En tout cas, ce qu’on voit, c’est que quand la puissance publique propose des choses nouvelles et qu’elle communique bien dessus, ça fonctionne. Donc, peut-être que dans certains territoires ruraux, la bonne modalité n’a pas encore été trouvée ou acceptée. Mais les initiatives bonnes, fortes et soutenues qui ont été prises dans tout un tas d’endroits et de pays différents montrent qu’il y a quand même des évolutions de comportements qui peuvent se produire.

Jonathan Loriaux, Badsender
Oui, et on notera qu’il faut du coup une bonne communication pour que ce soit bien accepté.

[00:42:21.050] – Jean-Marie Perbost
On notera qu’il faut une super communication, comme dans l’Aude, le département où je suis, il y a plusieurs dispositifs. Aucun d’entre eux n’a une communication, à mon avis, un marketing suffisamment bien fait pour l’expliquer clairement aux gens. Et du coup, je pense que le niveau de notoriété et de l’idée qu’on se fait du côté pratique de ces applications fait qu’elles ont un succès qui n’est pas encore à la hauteur. Donc oui, là il faudrait remettre des couches de bon marketing.

Jonathan Loriaux, Badsender
Alors on va petit à petit se diriger vers la fin de ce podcast. Il y a un truc que j’ai noté, c’est que j’ai tenté de te chercher sur internet et que tu étais très peu présent sur les réseaux. Je voulais te demander s’il y avait une raison particulière à ça.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Il y a une raison particulière à ça. Je me souviens quand c’est arrivé, j’ai tout de suite vu que c’était très drôle. Et que j’allais y passer beaucoup de temps. Et donc je me suis dit que si je mettais un pied dedans, j’étais foutu, notamment Twitter à l’époque. Je suis un fan d’actu, donc je passe déjà beaucoup de temps sur les sites des médias. Je passe du temps pour aller les commenter et avoir des escarmouches là dessus donc j’étais vraiment foutu. Donc c’est vraiment une question de santé personnelle par rapport au temps. Après ça m’est arrivé en communication. J’ai fait des campagnes politiques depuis les réseaux sociaux et autant je trouve que ça a vraiment une valeur très intéressante en marketing (Avec la Belle Transition, avec Le Mi.Lieu, on a des réseaux sociaux), mais pour ma part, je le vois comme une perte de temps.

Jonathan Loriaux, Badsender
Ok, c’est bien de savoir où on veut investir son temps et ne pas se perdre.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Le meilleur réseau social reste un comptoir de café, j’en suis persuadé.

Jonathan Loriaux, Badsender
Pour en revenir au titre de ce podcast, et pour commencer à conclure, est -ce-que tu penses qu’il est possible de faire du marketing dans un monde qui a besoin de sobriété ? Est-ce-que ce n’est pas finalement contradictoire ? Et si ça ne l’est pas, ce serait quoi ce marketing, pour quoi faire ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Non, il faut absolument faire du marketing dans un monde de sobriété. Parce-que la sobriété, c’est nouveau, c’est complexe, ça demande des changements et donc il faut l’expliquer et le rendre désirable. Ce qui pourrait être une définition du marketing. D’autant que pour l’instant, on vit dans un monde qui est marketé. Donc si les bons produits refusent totalement le tout marketing, non seulement ils se donnent d’énormes exigences sur le produit qui sont différentes et ils jouent le combat de boxe avec une main dans le dos. Donc, il faut absolument du marketing, de la sobriété. La question, c’est que par rapport à ce qu’on disait en début de podcast, il y a plein de marketing différents. Je ne crois pas qu’il faille marketer les produits de sobriété comme les autres. Il faut faire un tri dans les méthodes. Il faut faire un tri dans le message. Et ça, c’est très utile. On ne vendra pas la sobriété comme on a vendu d’autres produits à d’autres époques. Mais oui, il faut surtout continuer à le vendre, à l’expliquer et à le rendre beau, désirable. Les adversaires viennent toujours pour dire, dès qu’on parle d’énergie, c’est la bougie. Le retour à la bougie. La personne qui dit ça est en train de faire du marketing. Donc si on ne rend pas une autre énergie, une autre façon de consommer l’énergie désirable, ça ne marche pas. Il se trouve que les mêmes ont fait exactement le contraire. Au moment de la guerre en Ukraine, on a vu des entreprises qui vendent de l’électricité, les entreprises qui vendent du gaz demander d’en acheter moins. Donc c’est quand même un marketing qu’on a rarement vu, c’est de prendre des encarts de publicité dans la presse et dans les médias pour dire « consommez moins de nos produits ». Bon, dans une situation particulière, mais ça ouvre quand même un champ des possibles assez important sur la question qu’on a évoqué en creux d’une certaine décroissance.

Jonathan Loriaux, Badsender
C’est ce qu’on a appelé avec Cyril Espalieu d’Everide, le marketing du renoncement. C’est que parfois, il peut être positif d’inciter les gens à renoncer à ce dont ils ont l’habitude, notamment au niveau confort et au niveau image. Et c’est une notion qui n’est pas toujours simple à faire passer parce-que le renoncement justement, ce n’est pas vu comme très positif et il y a matière à retourner un petit peu la situation et la perception là dessus.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Le renoncement, c’est le chemin vers quelque chose, mais à l’arrivée, c’est le marketing du suffisant. À un moment donné, c’est comment est-ce-qu’on apporte la joie, la satisfaction de dire « J’ai ce qui me suffit ». Et ça peut être pour plusieurs raisons, parce que le produit est durable, le produit est fonctionnel, le service est complet. Ça me suffit. Et donc c’est un marketing qui peut être assez enthousiasmant d’aller vendre, proposer, expliquer le suffisant quoi.

Jonathan Loriaux, Badsender
Aller vers l’essentiel ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Oui

Jonathan Loriaux, Badsender
Pour terminer, est-ce-que tu pourrais nous citer quelques exemples d’entreprises dont tu admires particulièrement la démarche ?

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Je peux essayer. Il y en a une dont je parle régulièrement parce qu’à la fois je connais les fondateurs et je trouve que c’est une réussite assez éclatante. C’est Veja qui produit des baskets. Ils se sont lancés à deux Sébastien Kopp et Ghislain Morillion, avec 15?000 € chacun sur un secteur qui pour le coup était un peu pris. C’était un peu une oligopole, à l’époque entre Reebok, Nike et Adidas. Et ils se sont dit « on va lancer des baskets équitables », c’est à dire qu’ils les faisaient à la fois produire dans des conditions sociales au Brésil qu’ils auditent régulièrement, qui sont vraiment top, et ensuite il y avait une préoccupation sur la matière à tout point de vue coton biologique, cuir sans croissance, avec un tannage végétal, etc… Ils améliorent au fur et à mesure les choses. Et Veja n’a jamais pris de pub. Ce qui est assez intéressant. Ils n’ont jamais acheté de pub, font très peu de marketing, ou alors il est tellement lié à la marque qu’on le voit presque plus et ça me paraît, pour cette raison là, assez éclatant comme succès. Ca prend chaque année des proportions plus importantes au niveau international. C’est une entreprise, qui au début communiquait sur ses valeurs vertes, les communiquait sur son site essentiellement ou dans les rares interviews qu’elle donnait. Et quand il y a eu une montée du greenwashing, pour ne pas être associée au greenwashing, a carrément arrêté de communiquer là dessus. Donc si on cherche, on finit par trouver. Mais la majorité des gens qui achètent des Veja aujourd’hui ne savent pas qu’ils achètent des chaussures plus vertueuses.

Jonathan Loriaux, Badsender
C’est intéressant. Mais après ce sont souvent ceux qui en font le moins qui sont finalement les plus vertueux. Merci beaucoup pour ta participation.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Mais c’est un grand plaisir !

Jonathan Loriaux, Badsender
On se recroisera très bientôt et bon amusement dans vos activités et avec vos champignons cet après-midi.

Jean-Marie Perbost, La Belle Transition
Absolument ! Merci à tout ceux qui vont écouter. Sur un trajet en voiture, au bureau parce qu’il y avait un creux, chez eux dans un moment tranquille. Moi aussi j’irai écouter les quelques épisodes précédents que je n’ai pas encore eu le temps d’écouter et ceux qui arrivent avec beaucoup de gourmandises.

Jonathan Loriaux, Badsender
Merci, à bientôt !

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