ERRATUM
Mea culpa, le diable se cache dans les ordres de grandeur ! En préparant un live concernant ce cas client, nous nous sommes rendu compte qu’une erreur s’était glissée dans le calcul du bilan carbone emailing de Mediapart.
Une erreur bête mais méchante ! Le format des cellules de notre feuille de calcul a sauté : nous avions renseigné des valeurs comme 76%, mais c’est 76 qui a été pris en compte. Vous voyez ce genre d’erreur bête mais qui fait mal puisqu’elle change drastiquement le résultat final. Nous passons de 244 tonnes de CO2e à 10,5 tonnes de CO2e. Méchante l’erreur.
Les boulets ! Ils ne s’en sont pas rendu compte !? Malheureusement non… Cela montre que même si nous avons le nez dedans au quotidien, les ordres de grandeur des émissions carbone restent compliqués à appréhender. Nous avons mis à jour l’article ci-dessous avec les bonnes valeurs. Nous avons vérifié maintes et maintes fois avec Alexis. La méthodologie a été rectifiée, elle est maintenant plus fiable. Les conclusions de cet article restent inchangées. C’est bien ça le principal !
Lors d’un audit emailing réalisé pour notre client Mediapart, nous avons calculé le bilan carbone émis par la totalité des newsletters et emailing envoyés sur 2022. Au total, Mediapart a envoyé 144 millions d’emails pour un total de 10,5 tonnes de CO2e. Badsender et SAMI détaillent dans cet article comment calculer l’impact carbone d’une activité emailing.
Depuis 2021, nous passons par la plateforme carbone SAMI pour calculer le bilan carbone de Badsender (le dernier en date est ici). Dans notre bilan, nous calculons l’impact carbone de notre modeste activité emailing. Il est assez anecdotique : au total en 2022, nous avons envoyé 71 620 emails pour un impact carbone de 5,32 kg de CO2e.
Mais qu’en est-il d’une entreprise qui envoie plusieurs centaines de millions de newsletters par an ?
Live Jeudi 1er juin à 11H
Badsender invite Alexis Lepage, Expert carbone chez SAMI.
Marion et Alexis détailleront les critères utilisés et le mode de calcul.
Ajouter l’event à votre agenda
Ajouter le live à votre agenda
Quels critères prendre en compte pour calculer l’impact carbone d’une activité emailing ?
Pour le calcul, nous avons besoin des critères suivants :
- Le nombre d’emails délivrés
- La localisation des serveurs d’envoi
- Le taux d’ouvertures cumulées
- Le poids des emails envoyés
- Le temps de lecture des emails
- La répartition des terminaux utilisés de lecture : desktop, smartphone, tablette
- La répartition des modes de consultation : 4G, WIFI
- Pays où sont localisés les lecteurs et la répartition des lecteurs par pays
Et si vous allez jusqu’au bout de cet article, vous verrez qu’il y a d‘autres critères à prendre en compte pour calculer l’impact carbone de votre ombre climatique (un concept clé pour évaluer les conséquences du contenu de vos messages).
Concrètement comment récupérer ces infos ?
Prenons un exemple concret avec un de nos clients Mediapart, dans le secteur de la presse indépendante.
Le nombre d’emails délivrés et le nombre d’ouvertures cumulées
Ça, c’est facile ! Depuis l’outil de routage, il est possible de récupérer facilement les infos suivantes :
Typologie de campagnes | Nombre d’emails délivrés | % d’ouvertures cumulées |
---|---|---|
EDITORIAL | 120 402 442 | 61% |
MARKETING | 23 133 321 | 55% |
TRANSACTIONNEL | 247 904 | 144,00% |
TRIGGER | 1 072 373 | 75,24% |
Total général | 144 856 040 |
J’entends d’ici vos questions ;-) L’outil de routage du client en question n’exclut pas les ouvertures provenant d’AMPP (Apple Mail Privacy Protection).
La localisation des serveurs
Facile.
Vous le trouverez dans votre contrat qui vous lie à votre outil de routage. Pour Mediapart, c’est la Belgique.
Le poids des emails
Approximativement faisable.
Il faut donc récupérer le poids de chaque campagne. Idéalement j’ai besoin du poids de l’email une fois envoyé (donc poids du html avec l’ajout des liens de tracking du routeur + poids des images). Information qui n’est pas disponible facilement dans les rapports statistiques des outils de routage (Coucou les routeurs ! Faites évoluer vos tableaux de bord please !)
Ici, nous avons téléchargé (un peu au hasard) un email de chaque typologie de campagne.
Typologie de campagnes | Nombre d’emails délivrés | % d’ouvertures cumulées | Poids de l’email en Mo |
---|---|---|---|
EDITORIAL | 120 402 442 | 61% | 1,68 |
MARKETING | 23 133 321 | 55% | 0,866 |
TRANSACTIONNEL | 247 904 | 144,00% | 0,0243 |
TRIGGER | 1 072 373 | 75,24% | 0,0811 |
Total général | 144 856 040 |
Le temps de lecture des emails
À la louche.
Quand nous mesurons les environnements d’ouvertures d’emails de nos clients, nous utilisons l’outil Litmus. Sur cet outil, nous avons également le temps de lecture des emails. Nous avons fait le test sur une newsletter et ça a donné le résultat suivant :
Email20230220 | |
---|---|
Read : +9 secondes | 43,9% |
Skim Read : 2-8 secondes | 24% |
Glanced : -2 secondes | 32,1% |
Nous sommes partis sur 10 secondes (soit 0,16 min).
Typologie de campagnes | Nombre d’emails délivrés | % d’ouvertures cumulées | Poids de l’email en Mo | Temps de lecture en min |
---|---|---|---|---|
EDITORIAL | 120 402 442 | 61% | 1,68 | 0,16 |
MARKETING | 23 133 321 | 55% | 0,866 | 0,16 |
TRANSACTIONNEL | 247 904 | 144,00% | 0,0243 | 0,16 |
TRIGGER | 1 072 373 | 75,24% | 0,0811 | 0,16 |
Total général | 144 856 040 |
La répartition des terminaux utilisés pour la lecture : desktop, smartphone, tablette
(Presque) Facile . Dans l’outil de routage.
Maintenant presque tous les routeurs disposent de ces informations dans leurs tableaux de bord.
Typologie de campagnes | Nombre d’emails délivrés | % d’ouvertures cumulées | Poids de l’email en Mo | Temps de lecture | % lecture sur smartphone | % lecture sur desktop | % lecture sur tablette |
---|---|---|---|---|---|---|---|
EDITORIAL | 120 402 442 | 61% | 1,68 | 0,16 | 17% | 76% | 2% |
MARKETING | 23 133 321 | 55% | 0,866 | 0,16 | 17% | 76% | 2% |
TRANSACTIONNEL | 247 904 | 144,00% | 0,0243 | 0,16 | 17% | 76% | 2% |
TRIGGER | 1 072 373 | 75,24% | 0,0811 | 0,16 | 18% | 76% | 1% |
Total général | 144 856 040 |
Néanmoins, vous constaterez que la somme des supports : % de lecture sur smartphone + % de lecture sur desktop + % de lecture sur tablette, ne fait pas 100%… Le routeur n’a certainement pas su ventiler les informations dans les 3 catégories.
Nous sommes donc partis sur la ventilation suivante :
Typologie de campagnes | Nombre d’emails délivrés | % d’ouvertures cumulées | Poids de l’email en Mo | Temps de lecture | % lecture sur smartphone | % lecture sur desktop | % lecture sur tablette |
---|---|---|---|---|---|---|---|
EDITORIAL | 120 402 442 | 61% | 1,68 | 0,16 | 15% | 80% | 5% |
MARKETING | 23 133 321 | 55% | 0,866 | 0,16 | 15% | 80% | 5% |
TRANSACTIONNEL | 247 904 | 144,00% | 0,0243 | 0,16 | 15% | 80% | 5% |
TRIGGER | 1 072 373 | 75,24% | 0,0811 | 0,16 | 15% | 80% | 5% |
Total général | 144 856 040 |
La répartition des modes de consultation : 4G, WIFI
Hum… là je n’ai pas l’info du tout. Et personne ne l‘aura jamais. Nous allons demander à SAMI de trouver une étude sur la répartition standard des consultations. (Coucou Alexis et Guillaume !)
Nous sommes donc partis sur des hypothèses proposées par SAMI. Ici, on a une base BtoC, donc 50% en WIFI et 50% en 4G. (Si on avait une base BtoB, la répartition aurait été toute autre).
La localisation des lecteurs
Facile si vous connaissez vos cibles.
Ici nous sommes sur un lectorat 100% français.
Maintenant, le résultat et les conclusions
Après un savant calcul de la part de SAMI (voir plus bas) :
Typologie de campagnes | Émissions data center | Émissions réseaux | Émissions terminaux | Amortissement terminaux | Émissions totales (kg CO2e) | Emissions par email (g CO2e) |
---|---|---|---|---|---|---|
EDITORIAL | 2700 | 2315 | 329 | 3910 | 9253 | 0,08 |
MARKETING | 267 | 229 | 57 | 677 | 1231 | 0,05 |
TRANSACTIONNEL | 0 | 0 | 2 | 19 | 21 | 0,08 |
TRIGGER | 1 | 1 | 4 | 43 | 49 | 0,05 |
TOTAL | 2 969 | 2545 | 391 | 4649 | 10554 | 0,07 |
Résultat : 10,55 tonnes de CO2e pour 144 856 040 emails envoyés en 2022.
Le premier poste d’émission est la part de fabrication des terminaux. D’où l’intérêt de sensibiliser en poussant dans les emails le fait de garder son matériel un maximum de temps.
L’envoi de cet email est responsable de l’émission de 0,08 grammes de CO2.
Proposition de Badsender à Mediapart
Réduire l’empreinte carbone du numérique, c’est avant tout allonger la durée de vie de vos appareils, réparer, acheter en reconditionné ou opter pour la location longue durée.
Le volet “Data center + réseaux” est de 5,5 tonnes de CO2e. En excluant les inactifs de leurs envois, en travaillant sur l’éco-conception de leurs email et sur la rédaction, Mediapart diminuera le nombre d’emails envoyés, le poids des html et le temps de lecture.
Pour info, si nous réduisons le poids des newsletters à 1Mo (vs 1,68Mo actuellement), l’impact carbone global de la stratégie emailing passe de 10,5 tonnes à 8,5 tonnes. Rien que ça, nous ferait gagner 2 tonnes !
Le savant calcul de SAMI
Dans le monde de la compta’ carbone, nous avons l’habitude de découper les émissions des consultations numériques en 4 catégories :
- Les data centers : nous retrouvons dans cette première catégorie les émissions de CO2e générées par l’énergie utilisée pour stocker les données. Pour mesurer ces impacts, nous nous appuyons sur des données de Cisco, en l’occurrence 0,000057kWh/MB. Ensuite, en fonction des quantités de données stockées et du pays de stockage, nous mesurons l’impact des émissions liées à cette première brique.
Le pays de stockage joue un rôle déterminant, stocker ses données en France permet à titre d’exemple de profiter d’une énergie 7 fois moins carbonée qu’en Allemagne (bouuuh le charbon) ! Et 4 fois moins carbonée qu’en Belgique. - Les réseaux : pour ouvrir ces fameux mails, vous devez nécessairement être connecté à un réseau Internet : wifi ou 3,4,5G. Là aussi, c’est l’utilisation de l’énergie sur ces réseaux qui nous intéresse et vous l’avez également compris, le pays dans lequel sont ouverts ces emails joue un rôle déterminant dans l’impact carbone. Autre point, le Wifi engendre une consommation de données 6 fois moins importante que la 4G. Qui dit moins de données transférées, dit moins d’énergie consommée, dit moins d’émissions de CO2e.
- L’utilisation des terminaux : ici encore, lorsque vous ouvrez vos emails, votre ordinateur, votre smartphone ou votre tablette consomme de l’électricité. Plus l’email est long, plus vous allez passer de temps à le lire et plus vous allez consommer d’énergie. Ici aussi, le pays de lecture va influer sur les émissions. Retenons également qu’un ordinateur consomme presque 7 fois plus d’électricité qu’un smartphone par minute de lecture.
- L’amortissement des terminaux : il s’agit du premier poste d’émissions côté numérique lorsqu’on se situe en France et qu’une majorité des consultations ont lieu dans l’hexagone. Nous retrouvons ici les émissions liées à la fabrication des terminaux : un iPhone génère environ 70 kg de CO2e à sa fabrication et un MacBook Pro environ 185 kg CO2e selon Apple.
Ce dernier point n’est absolument pas négligeable. C’est ici que nous pouvons faire beaucoup mieux à l’échelle collective et individuelle pour réduire nos émissions :
- assurer une durée de vie élevée des produits
- permettre leur réparation
- arrêter l’obsolescence programmée
- éco-concevoir le matériel
- allonger la durée de vie de son matériel actuel
- privilégier le matériel reconditionné ou louer votre matériel
A titre d’exemple, l’ordinateur sur lequel vous êtes peut-être en train de lire cet article génère par minute d’utilisation l’équivalent de 0,000201 kg CO2e. Plus l’impact de la construction est faible et plus vous utiliserez votre matériel longtemps, plus cette donnée aura tendance à décroître.
Une fois tous ces calculs réalisés, nous retrouvons les émissions de CO2e globales qu’on peut rapporter au nombre d’emails. De quoi prendre conscience de l’impact de ses usages numériques.
Aller plus loin en prenant en compte l’ombre climatique
À ce stade, il y a vraiment un truc qui me gêne si nous en restons là.
144 millions d’emails envoyés pour mettre en avant des évènements culturels ou de la seconde main ont un impact minime à côté d’une centaine de millions d’emails envoyés pour promouvoir un gros SUV : le premier permettra d’alerter et potentiellement d’engager dans une démarche de réduction, le second provoquera des ventes et sera donc indirectement responsable des émissions de CO2e qui s’en suivront.
Il s’agit en fait de mesurer les conséquences d’une activité. C’est la notion « d’ombre climatique ».
Voici ce qu’il faut prendre en compte comme critères supplémentaires pour mesurer les conséquences de vos envois d’emails.
- Si l’annonceur est dans le secteur des services :
- le CA généré par email en €
- et l’intensité carbone par euro de chiffre d’affaire de l’annonceur (si celui-ci n’a pas fait son bilan carbone, nous pourrons prendre l’intensité carbone du secteur).
- Si l’annonceur est dans le secteur de ventes de produits :
- le nombre de conversions générées par email et par typologie de produit
- et l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) par produit
L’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode d’évaluation permettant de réaliser un bilan environnemental d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie. Son but est de connaître et pouvoir comparer les impacts environnementaux d’un système tout au long de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication à son traitement en fin de vie (mise en décharge, recyclage…), en passant par ses phases d’usage, d’entretien et de transport.
Mot de la fin
Est-ce vraiment utile de calculer tout ça ? Ça peut paraître un peu lourdingue mais c’est en mesurant qu’on peut se rendre compte de ce qui impacte vraiment votre stratégie et agir en conséquence.
Si nous ne prenons pas en compte l’ombre climatique, les conclusions sont simples : envoyer moins d’emails, baisser le poids des emails et sensibiliser les consommateurs.
Par contre, si nous mesurons l’ombre climatique, nous agissons sur les conséquences de nos messages : privilégier les produits ou services qui ont un ACV bas. Et donc agir sur le business modèle de l’entreprise.