Les règles du jeu de la délivrabilité des emails évoluent à un rythme effréné. Il est important d’anticiper plutôt que de se laisser dépasser par les événements. Le futur de la délivrabilité ne se lit pas vraiment dans une boule de cristal (j’aimerais bien pourtant), mais plutôt dans les signaux du marché, dans des tendances déjà amorcées… et dans l’évolution des pratiques des spammeurs.
Dans cet article, j’ai essayé de résumer les principales tendances de délivrabilité que nous risquons de voir apparaître dans les prochains mois. Je suis incapable de vous prédire des délais, de vous dire si l’impact va être important… mais pour une partie de ces évolutions de la délivrabilité, il est possible de se préparer. Le plus tôt sera le mieux !
Remerciements
Merci à Alexandre Baverel (Deliverability Manager chez Sarbacane), Florent Destors (Deliverability Manager chez Marigold), Pierre Pignault (CEO chez MailSoar) et Marion Duchatelet (Co-dirigeante de Badsender) qui ont alimenté ma réflexion suite à un post LinkedIn.
Replay de notre live sur le future de la délivrabilité du 21 novembre 2024 (en français)
Petit rappel avant de parler du futur de la délivrabilité
Comme j’ai souvent l’habitude de le répéter à mes clients dans le cadre des missions de coaching et d’audit délivrabilité que je mène, la délivrabilité, c’est 10 % de techniques et 90 % de bonnes pratiques marketing.
Dans le futur de la délivrabilité, ce ratio ne risque pas d’évoluer rapidement. Même si on a souvent tendance à évoquer les évolutions techniques, par exemple avec les nouvelles règles de délivrabilité mises en place par Gmail et Yahoo! en 2024, c’est bien l’engagement des destinataires qui reste primordial.
Plus vos destinataires auront des interactions positives avec vos emails, meilleure sera votre réputation. Plus vos destinataires interagiront négativement avec vos emails, moins bonne sera votre délivrabilité. C’est primordial, c’est l’essentiel.
Renforcement de l’authentification
Yahoo!, Gmail et d’autres sont devenus plus stricts sur l’authentification email (et obligent à déployer DMARC) ces derniers mois. Ce renforcement de l’authentification va continuer et une obligation de passer en policy « quarantine » ou « reject » est inévitable. Il faut donc s’y mettre dès maintenant parce que dans les grandes organisations, cela peut demander plusieurs mois de travail. Il faut aussi s’attendre à une généralisation (obligation ?) progressive de BIMI.
D’autres nuances (un peu plus techniques) pourraient aussi voir le jour. Jusque-là, beaucoup de responsables CRM ont réalisé un travail minimaliste sur DMARC en ajoutant un enregistrement sur leurs sous-domaines envoyant des emails. Nous pourrions voir apparaître une obligation d’enregistrement DMARC sur le domaine racine et pas uniquement sur les sous-domaines qui expédient les emails.
Impact de l’intelligence artificielle sur la délivrabilité
L’IA va continuer à transformer en profondeur le filtrage anti-spam et la délivrabilité. Nous pouvons distinguer 3 types d’impact :
- Évolution des filtres anti-spam : Augmentation du volume de données analysées, adaptation continue en fonction des stratégies des spammeurs, amélioration de la prise en compte du contexte… Les filtres anti-spam devraient encore faire de grands bonds en avant niveau efficacité. Ça risque de faire mal à certains.
- Utilisation de l’IA par les spammeurs : Mais du côté des spammeurs (les vrais et ceux qui s’ignorent), l’IA peut aussi changer la donne. Tests de masse afin de mieux comprendre (et contourner) la logique des filtres et les règles de délivrabilité, génération automatique de texte, changement perfectionné de noms de domaines et d’adresses IP, détection des meilleurs moments d’envoi… Nous allons avoir droit à un match entre IA et IA.
- Intégration de l’IA dans l’interface des messageries : La boîte email elle-même va aussi évoluer. Même si ce n’est pas strictement de la délivrabilité, les messageries vont de plus en plus utiliser l’IA pour améliorer la catégorisation des emails, faire des rappels intelligents d’emails importants non lus, rédiger des résumés du contenu des messages pour améliorer la prise de décision d’ouverture… C’est par exemple toutes les évolutions qui sont attendues dans Apple Mail avec iOS18. Les autres suivront aussi.
Hyper-personnalisation des messages
Du côté des créateurs de messages, l’arrivée de l’hyper-personnalisation des messages (boostée à l’IA pour changer) pourrait permettre d’améliorer drastiquement l’engagement en réduisant la pression marketing et en améliorant la pertinence des messages. L’IA serait alors utilisée pour booster la règle millénaire du marketing direct : Le bon message, à la bonne personne, au bon moment. Utilisée intelligemment, cela pourrait plaire aux filtres anti-spam en améliorant les signaux de la délivrabilité.
Attention toutefois dans la construction de votre stratégie emailing. Tout déléguer à l’IA pourrait être contre-productif. C’est particulièrement le cas de la rédaction des emails. Comme dans le SEO (la délivrabilité et le SEO partagent pas mal de points communs), les filtres anti-spam qui détectent du contenu intégralement généré par l’IA pourraient le pénaliser. L’authenticité, la créativité, la capacité à générer de l’engagement sont indispensables dans une stratégie email marketing. Ne déléguez pas tout à la machine.
Utilisation sophistiquée du List-unsubscribe
L’obligation de l’usage du List-unsubscribe « one-click » par Yahoo! et Google a généralisé sa présence dans les emails de masse. Mais le List-unsubscribe, c’est bien plus que ce bouton de désinscription à côté du nom de l’expéditeur dans votre webmail. C’est la possibilité pour les messageries de développer des fonctionnalités plus sophistiquées : proposition de vous désinscrire des expéditeurs dont vous n’ouvrez plus les emails, preference center intégré dans le webmail… Certains seront probablement très créatifs.
Nous pourrions donc voir apparaître ces nouvelles fonctionnalités dans les prochains mois.
Pression grandissante sur le tracking
Nous le savons, la mise en cache des images par les messageries a déjà grandement perturbé la pertinence et la fiabilité des taux d’ouverture dans nos emails. Nous pourrions subir le même genre de changements sur le tracking des clics.
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Par exemple, quel serait l’impact d’une interdiction des redirections ? Une seule redirection ? Paf ! Le lien ne fonctionne plus. Quid d’une attaque en règle (et plus forte que ce qu’Apple a déjà mis en place) contre les IDs publicitaires ?
Il n’y a d’ailleurs pas que les messageries qui pourraient encore modifier les contraintes du tracking. Les législateurs réfléchissent aussi à l’évolution de ces règles (opt-in sur le tracking). Il y a aussi le cas des robots qui sont déjà très actifs surtout en B2B et qui pourraient continuer à brouiller les statistiques (même si l’IA pourrait nous aider à mieux les détecter).
De nouveau, c’est un sujet en marge de la délivrabilité ! Mais cela rend le monitoring délivrabilité et la gestion des inactifs plus compliqués à mettre en place. Sans données fiables pour comparer les différences de performances des domaines, difficile de comprendre un problème de délivrabilité.
Législation de plus en plus harmonisée tout autour du monde
Avec le RGPD en Europe, CASL au Canada, CCPA en Californie, la pression légale est de plus en plus forte sur la protection des données personnelles. Ces législations relativement proches dans l’esprit constituent maintenant une sorte de standard mondial dont d’autres législations s’inspirent. Plus les législations seront protectrices pour les données personnelles, plus il existera un fossé entre les pratiques des « bons » expéditeurs et des « mauvais » expéditeurs. Ce qui devrait faciliter le travail des filtres anti-spam.
N’oublions pas que les règles anti-spam des messageries vont bien souvent plus loin que les législations nationales les plus restrictives. Il ne faut donc pas uniquement se limiter au respect de la loi. Il faut respecter le destinataire.
Baisse de pouvoir des solutions de certification
Utilisées depuis de nombreuses années comme un « passe-droit » par certains expéditeurs d’emails, les solutions de certification ont déjà perdu de leur influence. Cette tendance va se poursuivre. Avec l’harmonisation progressive des règles de base de la délivrabilité, ces solutions vont graduellement perdre de leur pertinence.
De nombreux annonceurs se posent des questions. Est-ce qu’il vaut mieux investir son budget dans la certification de ses adresses IP ou dans la mise en place de bonnes pratiques ?
Besoin de formation
La délivrabilité est une discipline de moins en moins technique. Ce sont le consentement et l’engagement qui sont depuis plusieurs années les clés pour correctement délivrer des emails. Néanmoins, les marketeurs ont besoin d’en comprendre les mécaniques afin d’accepter que 90% de la responsabilité se trouve dans les pratiques marketing et non dans des aspects techniques. Non, ce n’est pas la faute de votre outil emailing si vos emails ne sont pas livrés.
Il semble donc évident que les équipes CRM doivent continuer à se former sur les questions de délivrabilité Et si possible embarquer leur management qui prend parfois des décisions… hasardeuses 😉
L’arrivée de l’informatique quantique ?
Pas dans les prochains mois en tout cas, mais certains réfléchissent à la cryptographie post-quantique. Il y a un réel risque dans les prochaines années de voir des contournements de clés DKIM grâce à ces technologies. Pour l’instant, elles restent hors de prix pour des attaques massives. Mais ces attaques sont déjà possibles.
Des conclusions ?
Pas vraiment ! Si ce n’est que certaines évolutions technologiques vont accélérer le rythme des changements. Cela va continuer à être compliqué. Difficile à suivre lorsque l’on n’en fait pas un métier.
J’essaierai de régulièrement mettre à jour ce document au fur et à mesure des nouveaux frémissements du secteur.