Interview d’Eric Godefroid, ACTITO : faire du marketing en fonction du comportement client et plus en fonction de l’agenda de l’entreprise

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Le service d’étude de la suite de marketing relationnel ACTITO (qui fait partie des partenaires de Badsender) a récemment publié un très intéressant baromètre sur la « Customer Centricity ». À cette occasion, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Eric Godefroid et d’échanger sur les défis et les évolutions en cours à ce sujet.

Jonathan Loriaux : Nous allons entrer directement dans le vif du sujet, sur la première page de votre étude, vous dites « Customer Centricity is not a feature you can buy ». Qu’est-ce que c’est alors ? Le client n’a-t’il pas toujours été au centre des préoccupations des entreprises ?

Eric Godefroid : C’est sûr que tout ce qui est customer centricity explique normalement l’existence même d’une entreprise. Puisqu’une entreprise ne pourrait pas vivre, dans un sens capitalistique, sans client. Ceci dit, aujourd’hui, l’exercice de la customer centricity n’est plus le même qu’il y a cinq ans et dix ans. Avec cette nécessite de faire un nouveau marketing pour toucher ce que l’on peut appeler le nouveau consommateur hyper connecté, hyper dialoguant, il est impératif qu’une entreprise puisse dialoguer de manière personnalisée avec ses clients. La question est donc plutôt : est-ce que les entreprises arrivent toujours à être customer centric ?

Pour certaines entreprises, être customer centric, c’est suivre des millions de consommateurs qui ne sont plus dans des segments, mais dans des comportements individuels. Si la technologie, qui est une condition nécessaire à la réussite, est indispensable, il ne faut pas croire qu’en achetant de la technologie, l’entreprise va devenir customer centric du jour au lendemain. Il faut que l’humain, l’organisation, les compétences et la chaine de valeur marketing soient profondément repensées pour faire du marketing en fonction du comportement client et plus en fonction de l’agenda de l’entreprise.

JL : Pour une entreprise qui aurait pris un peu de retard, quelle serait la toute première étape sur laquelle elle doit se concentrer pour remettre le client au centre de sa stratégie ?

EG : D’un point de vue technologie, la marketing automation est indispensable. Mais, on l’a vu dans les obstacles de l’enquête, c’est l’organisation qui doit, en premier, s’adapter. L’un des plus grands défis est la transversalité de la gestion du client et la bonne collaboration entre marketing, CRM, IT et même direction générale puisque c’est une priorité stratégique de l’entreprise. Le deuxième élément, c’est la compétence. Pour la plupart des entreprises, vu les compétences pointues qu’il faut en gestion des données, il est très difficile de tout réaliser en interne. Il est donc nécessaire de passer par un exercice d’outsourcing. Les répondants ont dit qu’ils allaient outsourcer un tiers de leurs opérations marketing.

Je pense que contrairement à la mise sur pied de système de gestion ou d’ERP qui ont des processus très stables, la majorité des apprentissages en marketing, que ce soit du marketing de masse, segmenté ou personnalisé, se font sous l’exercice de l’activation des clients et des consommateurs. Il faut donc s’assurer que la technologie et les processus soient progressifs. Ce que nous recommandons, c’est de faire des pilotes de marketing personnalisé dans lesquels on teste ces hypothèses stratégiques, on mesure le ROI, on compare la performance des canaux.

Ensuite, avec ce retour sur investissement, on peut faire un plan financier pour envisager les prochaines étapes d’industrialisation et d’automatisation. C’est une construction pas à pas, qui permet à la technologie de suivre la maturité de l’entreprise et qui permet surtout à l’humain, les équipes, de collaborer sur des sujets de plus en plus complexes. Le modèle opposé à ça, que semblent abandonner les gens, c’est de se dire qu’on va faire un setup 360 degrés avec toutes les données et tous les processus. Je pense qu’aujourd’hui, cette stratégie est une utopie vu la complexité du sujet et surtout vu le fait que les entreprises ne peuvent plus prendre de risques économiques. On est donc dans la stratégie des petits pas progressifs.

JL : Pour en revenir sur le sujet de l’externalisation de la gestion de campagnes et du manque de connaissances, qu’est-ce qui fait aujourd’hui que l’externalisation d’une partie de ces processus soit une étape quasiment impossible à éviter ? Pourquoi la formation et à une montée en puissance des forces qui existent déjà dans l’entreprise ne peut pas produire les mêmes effets ? Quel est le vrai obstacle à garder la plupart des connaissances en interne ?

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EG : Je dirais qu’il y a deux éléments. Il y a le côté compétence et organisation qui sont deux obstacles majeurs pour aller plus loin dans la customer centricity. Au niveau des compétences, je crois qu’il faut être une énorme entreprise pour avoir toutes les compétences pointues de data mining, de marketing personnalisé, de gestion de la relation client, de gestion du parcours client en interne. Il faut marier le meilleur des deux mondes. C’est-à-dire, avoir une entreprise qui connait très bien son métier, son secteur, mais aussi avoir des partenaires externes qui sont capables d’avoir une lecture cross secteur et cross-entreprise. Quelque part, il faut aider les entreprises à dépasser leurs silos historiques, entre marketing, CRM, IT et direction générale.
Je pense que c’est souvent ce qu’on fait quand on injecte des consultants ou des compétences extérieures à l’image des partenaires marketing automation et CRM. L’objectif est de dépasser les modèles classiques d’organisation de l’entreprise. Quand on additionne les compétences internes et externes, on a non seulement une entreprise plus compétente, mais surtout plus agile, qui peut dépasser les modèles organisationnels de l’entreprise stricto sensu.

JL : Les entreprises ressentent-elles toutes le besoin d’aller dans cette direction ou est-ce qu’il y en a encore qui ne voient absolument pas ce que peut vouloir dire être customer centric ?

EG : Quelques statistiques sur le sujet, 83 % des entreprises disent que la customer centricity était une priorité stratégique pour elles. C’est encore plus vrai pour les entreprises B2C, qui ressentent encore plus le besoin d’avoir une réponse au consommateur hyper connecté et hyper dialoguant.

Le monde B2B est moins centré sur la customer centricity, parce que, en tout cas au niveau marketing, elles ont toujours la possibilité d’utiliser leurs forces de vente classiques pour faire de l’écoute client sans avoir à gérer des millions de données.
Une entreprise B2C n’a plus le choix de ne pas être customer centric. Ce que l’on a vu avec notre étude, c’est que les entreprises se donnent trois ans pour atteindre le bon niveau. 15 % des entreprises ont déjà atteint le bon niveau de customer centricity, pas parce qu’elles appartiennent au bon secteur, mais parce qu’elles ont décidé de forger un avantage concurrentiel. On voit que les entreprises veulent la customer centricity, certes, pour conserver leurs clients actuels, parce que c’est plus facile de conserver un client que d’aller conquérir un nouveau, mais surtout pour aller chercher des revenus incrémentaux. On peut donc dire que la customer centricity est véritablement devenu un business model plutôt qu’une culture ou un positionnement marketing. C’est donc une vision très capitaliste, les entreprises vont y tendre, la vitesse dépend de la volonté de l’entreprise à forger un avantage concurrentiel avant les autres.

JL : Est-ce que les entreprises sont vraiment aptes à évaluer où elles en sont ?

EG : Il y a un décalage entre perception et réalité. Les entreprises s’estiment à la moitié du chemin, et lorsqu’on fait des mesures objectives de la technologie, des données et du contenu, on se rend compte que les entreprises sont plutôt au tiers du chemin. Pour l’instant, elles ont fait le tiers le plus facile, c’est-à-dire injecter des données pour faire du marketing plus segmenté. Ce n’est que de l’optimisation.

Par contre, on ne peut pas dire que pour les entreprises, la donnée est le moteur de décision et le moteur du marketing. Les entreprises sont devant les 2/3 les plus durs, qui sont liés à une transformation d’ADN, une refonte de l’organisation et une refonte de la chaîne de valeur marketing. Et donc, c’est ça qui est profondément lié à la transformation digitale. La transformation digitale est plutôt le moyen et la customer centricity l’objectif.

Les gens sont perdus dans les moyens et dans la résolution des problématiques. Mais il ne faut pas perdre l’objectif final, qui, en tout cas en termes marketing, est cette capacité que doit avoir une entreprise à parler le langage du client, et à réagir de manière individualisée.

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