Octobre 2025, l’EMday a à peine refermé ses portes. Il aura suffi de trois conférences consacrées aux “nouveaux canaux” pour relancer la mythologie favorite du marketing numérique : l’email est mort, vive le remplaçant.

RCS, WhatsApp Business, messageries conversationnelles… Certains y voient déjà des alternatives révolutionnaires prêtes à balayer les vieilles pratiques.

Ce narratif tourne depuis près de vingt ans. Il survit mieux que n’importe quelle solution marketing.

Bienvenue dans le turfu ou l’email a disparu pour la quarante-deuxième fois

L’avantage d’être un dinosaure, ou un boomer (c’est vous qui voyez), c’est d’avoir vu passer toutes les révolutions : le SMS “inratable”, le push navigateur “incontournable”, le chatbot “révolutionnaire” (ils devaient tous déjà remplacer l’email, souvenez-vous).

À chaque fois c’est la même histoire : la nouveauté technologique au service de votre ROI pour sauver tout manque de stratégie.

Si les mêmes scénarios se reproduisent dans ces nouveaux canaux, nous connaissons tous déjà la fin de l’histoire :

un spam reste un spam, même en RCS enrichi ou en message WhatsApp “conversationnel”.

Illustration fictive d'un spam déguisé dans un nouveau flacon

Les nouveaux canaux : innovation technique, imagination marketing

RCS et WhatsApp Business ouvrent des possibilités intéressantes et reposent aussi bien sur de nouveaux usages (coucou le smartphone toujours à portée de main) que de nouvelles technologies (qu’elles soient propriétaires ou non).

  • Le premier enrichit le SMS en apportant visuels, boutons, composants interactifs.
  • Le second promet une relation “proche” et un accès direct à l’espace de messagerie préféré de millions d’utilisateurs.

Sur le papier, tout est parfait.

Dans les slides de présentation aussi.

Mais alors c’est quoi le problème ? D’ailleurs pourquoi il y aurait un problème ? C’est vrai c’est pénible ça de voir toujours le verre à moitié vide.

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Consentement, opt-in, règles d’usage : les fondamentaux qui fâchent

Et voilà, ça y est Olivier tu es désagréable. Nous n’avons même pas commencé à nous amuser que tu viens nous parler du cadre légal.

Car oui, l’industrie du marketing ne manque jamais d’imagination pour contourner la contrainte du consentement. La tentation est immense de croire que ces canaux profitent d’une sorte de “zone grise”, où il serait possible de communiquer à nouveau massivement, rapidement, sans les contraintes « pénibles » du RGPD.

Des rêves d’acquisition qui rappellent les grandes heures du cobranding sauvage, des fichiers mutualisés ou du jeu-concours à opt-in multiple.

La réalité est nettement moins fun et pourtant très claire :

Opt-in spécifique*, traçable, vérifiable, contextuel

* pour RCS l’optin SMS/MMS suffit pour l’instant, pour Meta les règles sont plus floues depuis 2024.

Et les risques business sont nettement moins drôle aussi :

Blocage opérateur, fermeture administrative du canal, réputation dégradée, coûts opérationnels

RCS et WhatsApp ne sont pas des passe-droits. Ce sont des canaux régulés (non non pas uniquement par les conditions d’utilisation de Meta), contractualisés et surveillés.

Ce n’est pas parce que c’est nouveau qu’il faut faire du « test and learn » sur vos bases d’abonnés (traduire par : je fais du sale, à l’arrache et je verrai bien ce qui se passe si je prends le temps un jour de regarder les résultats).

WhatsApp Marketing : un outil propriétaire, Meta impose ses règles du jeu

WhatsApp Business nourrit beaucoup de fantasmes. Mais l’écosystème Meta ne laisse rien au hasard.

L’opt-in rêvé n’existe pas

Un numéro dans un CRM, un opt-in SMS, une commande… cela ne représente pas grand chose pour Meta qui demande une preuve explicite, contextualisée et non ambiguë.

L’accès au salon privé de l’utilisateur se mérite. WhatsApp ferme la porte très vite lorsque l’annonceur ne prend pas le soin de montrer patte blanche et qu’il garde ses grosses bottes marketing.

Les règles de Meta ne se contournent pas

Meta applique ses règles. Sans négociation, sans empathie commerciale (c’est Meta il ne fallait pas espérer trop non plus). Le canal lui appartient, vous payez pour jouer selon ses règles :

  • Messages template à valider
  • Tarification à la conversation
  • Classification des messages (marketing, service, mixte)
  • Risque de blocage définitif du compte

Message initié par la marque ou par l’utilisateur

Une salle, deux ambiances. Le cœur du dispositif repose sur cette distinction.

La plupart des dérives actuelles viennent d’une incompréhension totale du fonctionnement conversationnel et de l’impact sur l’expérience utilisateur :

  • Le message marketing “push” : coûte cher, fatigue vite et bloque rapidement
  • La conversation initiée par l’utilisateur : crée la valeur, elle. Relation de qualité

À choisir, le push est souvent l’évidence car dans ce sens les annonceurs “savent” faire. Sauf que c’est exactement ce qui grillera le canal.

RCS : le SMS enrichi et les dérives aussi

Le RCS est souvent présenté comme “le futur du messaging”.

Des contenus et médias enrichis, des boutons, des carrousels (génie ! apportez moi la personne qui est responsable de cette idée lumineuse), des visuels, des interactions.

Là encore, la tentation est forte : imaginer une révolution qui renversera le SMS ! Comme l’AMP a renversé l’email (huhuhu, c’est cadeau car j’aime autant Google que Meta).

Les présentations sont soignées et donnent envie. Autant que les maquettes “créatives” singent ce que font déjà les landing pages et les emails. Waouw, amazing!

L’erreur classique : transformer le RCS en email avec une moustache

Beaucoup rêvent d’utiliser le RCS pour envoyer… exactement les mêmes messages qu’en email. Une cover avec un gif animé si possible, un titre, un texte plein d’emoji et un Call to action pour profiter du code promo qui va expirer dans 5… 4… 3…

Mais en plus court, plus cher et plus intrusif. Le canal n’est pas en cause. L’imagination et la stratégique, si !

Oh, tiens… les filtres anti-spam sont déjà là

Certains acteurs ont eu la brillante idée de tester le RCS en mode « quick and dirty« . Pas besoin de traduire là, si ? Et bien de la bonne grosse promo massive en ouvrant les vannes à fond.

Les opérateurs ont immédiatement réagi : filtrage automatique, durcissement des règles.

Le canal n’en est qu’à ses débuts, et il porte déjà les stigmates des mauvaises pratiques marketing. Une bien belle histoire qui commence.

Fragmentation opérateur / téléphone / logiciel

Même si l’arrivée sur les téléphone Apple iOS ouvre grandement le parc, le RCS dépend du terminal, de la version (Android), de l’opérateur ou encore du support Google Messages.

Bref, une fois de plus une belle promesse qui n’aura pas un rendu mais bien une expérience profondément hétérogène avec des fallbacks à prévoir (non le SMS n’est pas mort).

Ce que ces canaux peuvent apporter

Sous réserve d’avoir réfléchi en amont à l’usage et aux messages, RCS et WhatsApp brillent lorsqu’ils servent :

  • la relation
  • le service client
  • la confirmation
  • le suivi
  • l’assistance
  • la réassurance
  • la notification

Bref, lorsqu’ils ont une vraie utilité pour le destinataire.

Ils échouent lorsqu’ils se contentent de rejouer, en plus intrusif, les mauvaises habitudes de l’email marketing : promo agressive, relances sans contexte, pression marketing disproportionnée, absence de logique relationnelle.

Un canal conversationnel utilisé comme un mégaphone unilatéral est tout sauf conversationnel.

Stratégies marketing : ce qu’il faudrait faire et ce que beaucoup feront malgré tout

Une stratégie durable et robuste repose sur :

  • une gouvernance claire
  • une pression marketing maîtrisée
  • une segmentation bien pensée
  • une vraie compréhension des usages
  • une orchestration multicanale cohérente
  • un respect absolu du consentement

Beaucoup feront et font déjà autre chose… ou du moins ce qu’ils savent déjà faire :

  • achat de fichiers WhatsApp
  • push RCS non sollicité
  • contenus agressifs
  • absence de phase de test
  • ignorance totale de l’UX
  • absence de pilotage long terme

Les canaux ne meurent jamais naturellement. Ils sont réduits à l’état de poubelle par des pratiques peu reluisantes.

Exemple de RCS qui fait plouf : Orange x Nespresso

L’exemple ci-dessous illustre parfaitement ce qui se produit lorsque la sophistication technique tente de compenser une absence totale de stratégie.

Exemple de RCS Orange présente l'offre NESPRESSO

Avouez c’est pas de bol d’être tombé sur un vieux grincheux comme moi pour le coup.

Certes un contenu “riche” sur la forme, mais pauvre sur l’intention et totalement déconnecté de l’usage réel.

Mise en contexte, je suis client Fibre chez Orange. Sûrement un optin SMS qui doit traîner quelque part loin dans une table.

Toutefois dans mes préférences : pas de SMS. Si tu veux me parler il n’y a pas d’urgence alors un email c’est très bien. Et puis pas trop d’email. Pas de démarchage ou autre, juste de la facturation électronique et du suivi de conso.

Et c’était le cas jusqu’à ce message RCS. Tout allait à merveille, mon consentement était respecté.

Bon et bien là c’est un magnifique ultimate combo ou epic win : un RCS en cobranding pour pousser une offre promo pendant le black friday pour une marque de café que je ne porte pas dans mon cœur et dont je ne possède pas ladite cafetière. Le tout sans me demander si je suis OK pour recevoir ce type de message.

Autant vous dire, par mail il serait parti direct en poubelle. Mais alors là, entre un message à ma môman et un échange avec mes proches pour organiser le week-end… il n’avait aucune chance.

Sors de mes discussions privées tout de suite.

Manque de bol pour ses concepteurs (ou merci à eux), niveau UX il est plus facile de cliquer sur le lien prévu pour le dégager en le signalant qu’en faisant un SMS avec STOP au XXXXX.

Je vous laisse donc deviner ce qu’est devenu cette belle innovation technologique.

La nouveauté n’a jamais comblé un manque de vision stratégique

WhatsApp et RCS apportent des capacités nouvelles, pertinentes, parfois réellement utiles.

Est-ce que le problème de l’email est vraiment l’email ? (Vous avez deux heures)

Le problème n’a jamais été le canal mais ce que nous en faisons. Une communication c’est un message qui transite entre deux personnes qui veulent et peuvent interagir. Si c’est à sens unique alors déjà il y a un problème.

La tentation est grande d’utiliser chaque nouveauté en transposant vos pratiques dont vous êtes vous même lassé. Mais s’il vous plait ne répétez pas les mêmes erreurs sans les questionner avant.

Une stratégie sans valeur et sans respect pour son audience ne produira que de la frustration et de l’insatisfaction. Peu importe le canal.

Et sinon, ils vont bien vos chatbots ?

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