L’annonce de l’arrivée d’Orange au sein de la Certified Sender Alliance marque un tournant pour le marché français de la délivrabilité. Quand un acteur historique de la messagerie s’aligne sur un standard de qualité, tout l’écosystème se met en mouvement. Nous avons donc interviewé Sandra Schubert (CSA) pour éclairer ce que cela change dès maintenant et ce qui se prépare avec la future certification « domaine » annoncée pour 2026.
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La Certified Senders Alliance est souvent méconnue en France, mais pour les annonceurs et les ESP attachés à une délivrabilité saine, l’arrivée d’Orange devrait relever le niveau d’intérêt. La certification de la CSA peut apporter un boost mesurable sur certains FAI, tout en rappelant une réalité simple: aucune certification ne remplace les fondamentaux du consentement, de l’’hygiène de base et de l’authentification. Côté plateformes, intégrer les signaux CSA et partager des métriques actionnables pourrait devenir un véritable avantage compétitif.
Pour aller à l’essentiel, voici les points clés:
- Orange rejoint la CSA: La certification CSA va faire gagner “quelques points” de réputation chez l’opérateur français.
- Certification IP aujourd’hui, certification domaine demain: La certification CSA est actuellement basée sur l’IP, une certification basée sur le domaine est prévue en 2026, ce qui va permettre un plus grand intérêt pour les annonceurs (et de régler le problème des IPs mutualitées)
- Monitoring CSA: Les acteurs certifiés ont accès au “Certification Monitor” qui permet de suivre de nombreux indicateurs dont le taux de plainte, les incidents d’authentification email, les volumes de spam traps, les « Inbox deviation »… données exploitables en web ou via API.
- Pas de passe-droit: la certification n’outrepasse jamais les filtres des FAI. Elle valorise les bonnes pratiques, elle ne les remplace pas.
La vidéo de l’interview (en français) est disponible ci?dessous ou directement sur notre chaîne Youtube. Prenez 20 minutes pour saisir les implications concrètes côté annonceurs et ESP.
Vous pouvez aussi écouter la version podcast (en français). Abonnez-vous à nos podcasts sur vos plateformes habituelles pour ne rien manquer (il suffit de rechercher “Badsender”).
Note : Pour des questions de fluidité de la lecture, le retranscription écrite de cette interview a été adaptée. Les propos de Sandra Schubert sont néanmoins préservés sans ajout d’information.
Présentation et mission de la CSA
Jonathan Loriaux — Notre objectif est de faire un tour des nouveautés de la Certified Sender Alliance. Peux-tu te présenter rapidement et expliquer ton rôle au CSA ?
Sandra Schubert — Je suis ravie de parler de la CSA. Je travaille dans l’email marketing depuis plus de 13 ans. Allemande, j’habite en région parisienne. Au CSA, je suis Client Success Manager au sein d’une petite équipe, ce qui m’amène aussi à contribuer à la conception de nouveaux produits. Avant cela, j’étais consultante en email marketing.
Jonathan Loriaux — Quelle est la promesse de la CSA pour l’écosystème de l’email ?
Sandra Schubert — Nous voulons être un tiers de confiance entre expéditeurs et receveurs (FAI, webmails, filtres anti-spam) afin d’améliorer la performance globale. Nous partageons des données aux expéditeurs pour qu’ils puissent réagir en cas de faille de sécurité ou de problème de délivrabilité. Nous faisons le lien pour élever la qualité et la sécurité de tout l’écosystème.
Jonathan Loriaux — Vous êtes bien une association ?
Sandra Schubert — Oui. La CSA est un projet de l’association allemande eco, fondée en 2004, avec le DDV (équivalent de la DMA en France). Nous agissons comme standard de qualité pour l’email, avec plus de 20 ans d’expérience, dans l’objectif d’améliorer la sécurité et la qualité pour tous.
Jonathan Loriaux — À quels acteurs vous adressez-vous ?
Sandra Schubert — À toute la chaîne email. Côté expéditeurs et routage (ESP, marques), nous apportons données et amélioration de performance. Côté receveurs (FAI, filtres), nous offrons un partenaire de confiance et le contrôle qualité de nos membres certifiés, pour mieux distinguer bons et mauvais acteurs. Indirectement, cela profite à tout le monde en réduisant le spam et en renforçant la sécurité des boîtes de réception.
La certification: de l’IP au domaine (2026)
Jonathan Loriaux — Que signifie « être certifié » ?
Sandra Schubert — Nous définissons des standards et normes de qualité via notre programme de certification, actuellement au niveau des IP. Une société candidate passe un audit portant sur les bonnes pratiques marketing et de routage, la transparence et la protection de la vie privée. Si elle est éligible, ses IP sont placées sur une liste de confiance partagée avec nos partenaires (FAI, filtres), qui l’appliquent et nous renvoient des données de performance. L’idée est de récompenser les expéditeurs qui jouent le jeu de la qualité par une meilleure délivrabilité.
Jonathan Loriaux — Vous passez progressivement d’une certification d’IP à une certification de domaine. Pourquoi ?
Sandra Schubert — Le modèle centré sur l’IP n’est plus suffisant, notamment avec les IP partagées. Nous préparons un second programme de certification sur le domaine d’envoi (DKIM), prévu pour 2026, avec des données plus spécifiques et des récompenses supplémentaires. Ce programme s’adresse davantage aux marques, qui pourront choisir les domaines à certifier.
Jonathan Loriaux — Une marque avec son propre domaine, mais pas sur une plateforme certifiée, pourra-t-elle bénéficier de cette certification domaine ?
Sandra Schubert — Nous devons garantir la qualité du routage. Le programme démarrera pour les marques qui routent via leur propre infrastructure ou via un routeur certifié au niveau IP, ce socle étant le minimum requis aujourd’hui.
Jonathan Loriaux — Et qu’est-ce qui empêche une marque, cliente d’un routeur non membre, de devenir membre en son nom ? Faut-il posséder ses IP ?
Sandra Schubert — Pour la certification IP actuelle, il faut prouver le contrôle total des IP utilisées, par exemple via WHOIS au nom de la marque ou via un token. Avec un routeur, les IP appartiennent généralement à l’ESP, donc ce contrôle n’est pas total. Certaines entreprises ayant un routage interne (par exemple pour le transactionnel) peuvent l’avoir. C’est le socle de la certification IP : maîtrise, sécurité et contrôle des IP.
Partenariats et couverture en France
Jonathan Loriaux — La nouveauté qui motive cette interview, c’est l’arrivée d’Orange. D’autres acteurs importants pour le marché français sont-ils impliqués ?
Sandra Schubert — Orange, c’est un grand pas, en France et en Europe. Nous comptons déjà Yahoo!, Hornetsecurity et d’autres partenaires. Microsoft est partenaire. Pour Gmail, nous aimerions beaucoup, c’est en travail. Nous sommes membres de certaines instances de lutte contre le spam et en lien avec tous les acteurs, même s’ils ne sont pas tous partenaires CSA aujourd’hui. Nous souhaitons que La Poste, SFR ou Free nous rejoignent aussi.
Certification Monitor: métriques et disponibilité
Jonathan Loriaux — Avec Orange, la liste de confiance sera utile, notamment sur Orange et Yahoo!. Qu’en est-il de l’outil de monitoring ? Orange y figurera quand ?
Sandra Schubert — Nous y travaillons. C’est en cours, confirmé par Orange pour une disponibilité début 2026.
Jonathan Loriaux — Quels indicateurs trouve-t-on dans cet outil ?
Sandra Schubert — Le Certification Monitor vérifie la conformité à nos KPIs et expose des données issues des sources partenaires pour offrir de la visibilité et détecter des défauts d’authentification. Aujourd’hui centré IP, il inclut aussi des vues par domaines. On peut analyser par plage d’IP, DKIM Domain et From Domain. On suit notamment le taux de plainte, agrégé et par IP ou domaine, les problèmes d’authentification (DKIM manquant, alignement), et les hits spam traps par jour. Des graphes montrent l’évolution des plaintes, de l’authentification, des spam traps, et un indicateur d’Inbox deviation compare la performance du jour à la veille.
Jonathan Loriaux — Disposez-vous de données de placement en boîte de réception ?
Sandra Schubert — Pas dans la certification IP actuelle. Le programme domaine les apportera, au global et par FAI, ainsi que les taux de plainte par FAI. La granularité domaine est clé, car une IP peut héberger plusieurs acteurs.
Jonathan Loriaux — Combien coûte la certification et l’accès au monitoring ?
Sandra Schubert — Nos prix et conditions sont publics et identiques pour tous. Le tarif dépend du revenu annuel de la société. Les grands routeurs avec beaucoup d’IP ont un léger surplus. Le type d’IP (dédiées ou partagées) n’influe pas. Le contrat annuel comprend un audit d’entrée payé une fois, puis une licence renouvelée chaque année. Pour la certification domaine, le modèle n’est pas encore arrêté.
Jonathan Loriaux — Si je suis une marque qui utilise un routeur membre CSA, comment accéder aux données ?
Sandra Schubert — Pour la certification IP, l’outil de monitoring web et API est fourni au routeur dès la certification. Libre à lui d’intégrer et de mettre ces données à disposition de ses clients. Pour la certification domaine, une marque pourra passer via son routeur ou directement avec nous.
Jonathan Loriaux — Quel gain de délivrabilité peut-on espérer avec des IP certifiées ?
Sandra Schubert — Chaque partenaire applique la liste à sa manière, mais on observe une meilleure sécurité de livraison et moins de placement en spam. Orange a confirmé appliquer la liste de confiance avec l’objectif d’améliorer les performances, par exemple via un « crédit de confiance » pour des IP sans historique. La certification ne supplante jamais les algorithmes et règles propres de chaque FAI, dont la priorité reste la protection des utilisateurs.
Jonathan Loriaux — Donc, la certification ajoute des points positifs de réputation, sans garantie magique d’atteindre la boîte de réception.
Sandra Schubert — Exactement. Elle offre un boost, variable selon les partenaires, sans contourner les filtres.
Jonathan Loriaux — Un mot de conclusion ?
Sandra Schubert — Merci pour l’échange. Parti d’Allemagne il y a 20 ans, le projet est devenu international, avec plus de 45 partenaires et plus de 100 membres certifiés. Notre but reste d’améliorer durablement qualité et sécurité pour expéditeurs et receveurs. Et je suis heureuse que nous puissions parler du programme de certification de domaine qui arrive en 2026.
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