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Interview de Céline Réveillac, présidente de Communication et Démocratie (et plus encore)

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Dans ce dernier épisode de la saison 2 du podcast Sobriéte et Marketing, nous recevons Céline Réveillac, présidente de l’association Communication et Démocratie. Céline est également créatrice du compte Instagram Greenwashing Lovers et cofondatrice de Reboot. Elle explique comment elle gère ses multiples activités et ce qui l’a conduit à se spécialiser dans la communication responsable, notamment son parcours en école de commerce où les questions d’éthique et de déontologie étaient absentes.

Céline Réveillac

Céline évoque son sentiment de solitude en tant qu’étudiante intéressée par les enjeux éthiques du marketing, un sentiment atténué par le soutien de son environnement familial. Elle souligne que les réflexions critiques sur le marketing et la communication étaient rares dans son école de commerce, une situation qui l’a poussée à approfondir ces sujets à travers son mémoire.

L’association Communication et Démocratie, vise à encadrer les pratiques de communication des grandes entreprises et à redistribuer les moyens de communication en faveur de la société civile. L’association œuvre pour un secteur de la communication plus responsable et engagé, et milite pour la réduction de la dépendance des médias à la publicité, afin de favoriser une information plus indépendante.

La discussion aborde également le rôle du militantisme dans la communication responsable. Céline insiste sur l’importance de l’esprit critique et de la transparence, et sur la nécessité pour les professionnels de la communication de se tenir prêts à renoncer à certaines pratiques si elles ne sont pas en accord avec les limites planétaires.

« Pour moi, cette idée de militantisme, c’est aller contre les ordres établis et ce qu’on considère comme normal dans un monde économique soumis au capitalisme.”

Les défis du greenwashing sont également discutés. Céline définit le greenwashing comme une pratique commerciale trompeuse qui ralentit la transformation écologique. Elle souligne l’importance de la formation et de la dénonciation pour lutter contre cette pratique, ainsi que le besoin d’une régulation indépendante des contenus publicitaires.

« La formation est vraiment un axe hyper important. Maintenant, il faut que la formation ne soit pas aussi du greenwashing. Il faut que la formation soit d’un niveau qui permettra aux professionnels de la communication vraiment de se rendre compte à quel moment ils rentrent dans le greenwashing ou pas.”

Enfin, Céline partage des exemples de marques qu’elle trouve inspirantes pour leur communication responsable, comme Loom et le Label Emmaüs. Elle conclut en conseillant aux jeunes professionnels de la communication de ne pas avoir peur de déconstruire ce qu’ils ont appris et de toujours questionner les tendances et les usages, notamment en ce qui concerne les algorithmes et l’intelligence artificielle.

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Les marques et organisations citées cette interview de Céline Réveillac

  1. Greenwashing Lovers : https://www.instagram.com/greenwashing_lovers/
  2. Reboot : https://www.rebootcommunication.org/
  3. Communication et Démocratie : https://www.communication-democratie.org/fr/
  4. Loom : https://www.loom.fr/
  5. Vinted : https://www.vinted.fr/
  6. Label Emmaüs : https://www.label-emmaus.co/fr/
  7. Telecoop : https://telecoop.fr/
  8. Commown : https://commown.coop/

Les personnes citées dans le podcast

  1. Yonnel Poivre Le Lohé : https://www.linkedin.com/in/yonnel-poivre-le-lohe/
  2. Mathieu Jahnich : https://www.linkedin.com/in/mathieujahnich/
  3. Julia Faure : https://www.linkedin.com/in/julia-faure-1a228343/

Transcription texte de l’épisode avec Céline Réveillac

Jonathan Loriaux
Bonjour Céline.

Céline Réveillac
Bonjour Jonathan.

Jonathan Loriaux
Tu es la présidente de l’association Communication et démocratie, la créatrice du compte Instagram Greenwashing Lovers, une active sur LinkedIn, cofondatrice de Reboot, qui est un événement étudiant qui a pour but de hacker la communication. Tu es intervenante dans l’enseignement supérieur et pour gagner ta vie, tu fais du conseil en communication responsable. Est-ce que ça va ? Est-ce que tu arrives à suivre avec toutes ces activités ? Je veux bien que tu nous expliques un peu ce qui t’a conduit à te spécialiser dans la communication responsable.

Céline Réveillac
Oui, ça fait beaucoup, mais tout ça, c’est passionnant. En réalité, tous ces sujets, ils se nourrissent les uns les autres et il y a des liens entre chaque sujet. C’est ce qui me permet aussi de travailler sur tout ça et de progresser sur chacun de ces sujets. Ce qui m’a conduit à m’intéresser à ces questions, c’est pendant mes études. Moi, j’ai fait une école de commerce et à aucun moment, on n’a abordé la question de l’éthique, de la déontologie ou encore, par exemple, des questions de saturation de publicité pour le public. Question aussi de manipulations. Moi, j’avais des cours de marketing et j’ai appris les techniques de marketing et pour moi, j’ai assimilé ça beaucoup de la manipulation. Donc, je me questionnais beaucoup et à aucun moment, on n’avait de regard critique là-dessus dans le cadre des cours. Donc, j’ai décidé d’y consacrer un mémoire, puis un blog et des réseaux sociaux. Je me suis complètement passionnée sur ces sujets.

Jonathan Loriaux
Du coup, tu te sentais un peu seule dans ce cadre-là ou il y avait d’autres étudiants avec toi qui se posaient ces mêmes questions ? Qu’est-ce qui t’a nourri ? Parce que quand on est en solo dans ce genre de cadre, ce n’est pas toujours simple de réfléchir de la bonne manière et d’avancer dans la direction qui nous convient.

Céline Réveillac
À l’époque, clairement, en tout cas dans l’école où j’étais, oui, j’étais bel et bien la seule. On pourra en reparler, mais mon directeur de mémoire n’était pas forcément emballé par le sujet. En revanche, j’avais tout le contexte familial. Parce que je viens d’une famille de profs et peut-être, c’est ce contexte familial. J’ai aussi des… Du côté de mon papa, ce sont des agriculteurs. Et peut-être que j’arrivais avec ce bagage très différent différent du commerce. Et j’étais quand même seule au sein de cette école à réfléchir différemment. Mais en revanche, quand je revenais parmi les miens, du coup, j’étais à nouveau peut-être l’ovni parce que j’étais en école de commerce et qu’eux m’avaient du mal à comprendre.

Jonathan Loriaux
D’ailleurs, parce que la communication et le marketing, surtout la communication, on peut l’aborder sous l’angle école de commerce, mais peut-être que si tu avais fait une école de journalisme ou quelque chose qui vient de cette filière-là, peut-être que la question éthique aurait été beaucoup plus présente. Ce n’est pas un truc que tu t’es dit à un moment: Tiens, peut-être que j’aurais dû passer par une autre filière ?

Céline Réveillac
Je suis arrivé en école de commerce, je peux difficilement dire par hasard, on n’arrive jamais vraiment par hasard, mais le journalisme m’intéressait, le droit m’intéressait aussi, la sociologie. Je n’ai pas eu d’IUT. Je voulais faire un IUT Info-com, par exemple. Je n’ai juste pas été acceptée. Je me suis retrouvée en IUT technique de commercialisation. L’école de commerce, c’était de la poursuite logique, alors qu’à aucun moment, je n’avais envisagé de faire une école de commerce ? C’est un pur hasard qui m’a amenée là. J’ai été acceptée dans cette école de commerce. Je ne connaissais pas du tout ce milieu et je me suis dit que c’était la voie royale pour trouver un travail. Parce que mon objectif, je venais de ce milieu familial avec des parents qui sont dans la fonction publique. Et pour moi, travailler, c’était être en entreprise. Et donc, le commerce, ça a semblé être une histoire. Une valeur pure. Oui.

Jonathan Loriaux
Du coup, tu es très impliquée dans l’association Communication et Démocratie, puisque tu en es la présidente. Est-ce que tu peux nous présenter un peu ce que fait Communication & Démocratie et quel est son but ?

Céline Réveillac
Communication & Démocratie, c’est un think tank qui vise à faire évoluer le secteur de la communication. En fait, on considère que la communication doit jouer un rôle dans la transformation écologique, sociale et démocratique. Et en fait, personne ne dit le contraire. D’ailleurs, les professionnels de la communication le disent également. Mais concrètement, aujourd’hui, on n’y est pas. Malgré ce que peuvent dire les représentants de la filière, on n’y est pas du tout. On travaille sur trois grands axes. Premier axe, encadrer les pratiques de communication des grandes entreprises et redistribuer les moyens de communication en faveur de la société civile. Là, l’objectif, c’est de rééquilibrer le pouvoir de la communication et donner plus de pouvoir auprès de la société civile, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais aussi les PME, les petites entreprises, et donner moins de pouvoir aux grandes entreprises, aux multinationales qui, elles, ont toute l’attitude, juste parce qu’elles ont le budget, elles ont énormément de latitude pour pouvoir communiquer. Donc, rééquilibrer ces forces de pouvoir. Ensuite, deuxième axe, reconstruire un secteur de la communication composé de professionnels de la communication responsable et engagés. Donc, accompagner les professionnels vers des pratiques plus responsables.

Céline Réveillac
Et enfin, et là, c’est un gros sujet qu’on On commence à peine à mener, dépublicitariser les médias et l’Internet, l’industrie de l’information et de la culture. On est à un niveau de saturation publicitaire qui est très important. Et on a là aussi des forces, des pouvoirs qui sont très importants du côté de l’industrie, notamment des GAFAMs. Et là, on a besoin aussi d’assainir les choses.

Jonathan Loriaux
Mais au final, ce dernier point, dépublicitarisé, ça revient aussi à cette question d’équilibre dont tu parlais en premier lieu, puisque L’idée, c’est que certaines grandes entreprises, grands groupes détiennent les budgets qui leur permettent d’investir et qui font que les autres sont moins visibles dans l’espace public. C’est ça la dimension ?

Céline Réveillac
Là, c’est plus au niveau des… Par exemple, aujourd’hui, les lignes éditoriales des médias, elles sont construites en fonction des budgets pub. Les grands médias qui sont possédés par des millionnaires ne peuvent pas s’exprimer, n’ont pas toute l’attitude pour s’exprimer. Et C’est notamment ce rapport de force qu’on veut revoir. En fait, c’est la question de l’indépendance des médias, c’est surtout ça. Donc oui, il y a la question de diversifier les acteurs, les annonceurs qui peuvent faire de la publicité, mais il y a aussi rendre moins dépendants les médias et Internet, toute cette industrie qui repose sur la publicité.

Jonathan Loriaux
L’action, sur ces points-là, elle se dirige quand même plutôt vers les pouvoirs publics, au final, parce que sans légiférer, quelles sont les latitudes que vous pouvez avoir pour transformer le secteur sur ces éléments-là sans passer par des éléments légaux ?

Céline Réveillac
Effectivement, nous, notre association, c’est une association de plaidoyer. On fait du plaidoyer. Et donc, ça veut dire qu’effectivement, on va à insuffler auprès des législateurs, des élus. Concrètement, on produit de l’expertise. On a, par exemple, qui a un rapport qui s’appelle la communication commerciale à l’ère de la sobriété, qui est un rapport qui s’appuie sur une étude scientifique. On a vraiment cette volonté de s’appuyer sur quelque chose de très de très factuels et de scientifique. C’est à partir de ces données scientifiques qu’ensuite, on va élaborer des propositions. Dans ce rapport, il s’appuie sur cette étude scientifique, on en produit des conclusions et des recommandations. Ces recommandations, on va les porter auprès des institutions. Ça, on le fait pas encore trop, mais l’idée, ça serait aussi de les faire connaître auprès du grand public, pour que le grand public aussi soit sensibilisé à ces enjeux. Et puis parce que pour faire changer une loi, on a besoin du soutien du citoyen.

Jonathan Loriaux
Du coup, la question que je me pose, c’est que j’imagine bien que tout le monde de l’économie sociale et solidaire puisse être votre partie prenante dans ce que vous faites, qu’il puisse y avoir des petites agences engagées, des indépendants, etc, qui vous accompagne là-dedans. Mais au final, est-ce que vous avez une oreille tendue de la part des grands groupes qui soient éventuellement média, mais surtout publicitaires ? Est-ce qu’ils vous suivent ? Est-ce que vous avez du feedback de leur part sur des marques d’intérêt de en temps ?

Céline Réveillac
On s’est créé en 2021, mais on existait plus ou moins via un autre projet, Système publicitaire et influence des multinationales. C’était un programme interassociatif, il y avait plusieurs associations derrière, notamment Résistance à l’agression publicitaire, qui avaient produit des analyses politiques sur les enjeux de régulation de la publicité. Ça, ça date un petit peu avant la Convention citoyenne pour le Climat. Quand il y a eu un colloque et puis un rapport qui a été assez conséquent, qui a été publié, effectivement, j’imagine que les acteurs, les grands grands acteurs de la publicité, de la filière publicité, se sont intéressés à ce rapport. On n’a pas eu spécifiquement de retour. En revanche, La Convention citoyenne pour le Climat a repris certaines des recommandations ou en tout cas, leurs recommandations ont rejoint les recommandations de ce programme. C’est suite à ce colloque et la production de ce rapport qu’on s’est rendu compte qu’il y avait besoin de créer une association dédiée à ces enjeux. Aujourd’hui, non, on n’est pas potes avec les grands représentants des acteurs de la communication.

Jonathan Loriaux
Ça reste quand même plutôt les acteurs de la communication alternative, justement, qui ont un rôle militant par rapport à la communication au sens large, mais les demandes sont quand même encore relativement cloisonnées.

Céline Réveillac
Oui, ce qui est intéressant, justement, c’est qu’au sein de Communication Démocratie, effectivement, on a un tiers des membres qui sont des professionnels de la communication. Ce qui montre bien que ces enjeux-là, ils sont portés aussi à l’intérieur de cette filière par des professionnels de la communication qui portent les mêmes souhaits que communication et démocratie. Le truc, c’est que forcément, les intérêts ne sont pas les mêmes. Quand Au sein de communication et démocratie, l’intérêt, il est pour la société, pour la démocratie, la filière communication. L’intérêt, il est pour les agences de communication qui sont derrière. Bien sûr, on va nous rétorquer la question de l’emploi, notamment, et puis de la croissance aussi, de la croissance économique. Ce n’est les mêmes intérêts qu’on porte.

Jonathan Loriaux
C’est certain. Je t’ôte un peu quelques unes des questions. On reviendra en arrière dans le fil que j’avais prévu, mais ça m’amène à la question du rôle que joue le militantisme. Et toi, la position que tu as sur ce sujet-là ? Parce qu’on voit que sur les sujets écologiques et sociaux, le militantisme, traditionnellement, a un rôle très fort. Et c’est vrai que du côté de la communication, ce n’est pas forcément quelque chose qu’on voit si souvent. Vous en faites partie avec communication et démocratie, je pense. C’est quoi pour toi la dimension militante dans ce que tu fais au quotidien sur les questions de communication responsable ?

Céline Réveillac
Déjà, il faudrait définir ce que c’est qu’être militant. Pour moi, cette idée de militantisme, c’est aller contre les ordres établis et ce qu’on considère comme normal dans un monde économique soumis au capitalisme.

Jonathan Loriaux
Ce qui me semble intéressant de poser, c’est est-ce que le rôle d’un militantisme pour la communication responsable, ce ne serait pas notamment de ne rien laisser passer, de dénoncer, de montrer des exemples de voies à ne pas suivre. Tout comme certains militants écologiques, quel que soit le projet qu’ils visent, on sait à l’avance qu’ils vont être présents. Et donc, même par les décideurs de ces projets anti-écologiques, il y a une appréhension, au final, de retrouver des militants sur le chemin de leur projet parce qu’ils savent que ça va arriver. Est-ce qu’il y a un besoin pour la communication responsable d’aller jusque-là ? C’est-à-dire quand il y a un projet de communication, systématiquement et systématiser la critique et la déconstruction de ce qui est proposé, pas qu’on ne laisse rien passer, parce que la production de communication, ce n’est pas comme les autoroutes, on en a des dizaines par jour, donc c’est un peu plus complexe. La question, ce n’est pas de se dire: Toute personne qui, demain, fait de la communication doit pouvoir s’attendre à une critique et donc anticiper cette critique et intégrer déjà certaines mécaniques qui sont dans vos divers plaidoyers ?

Céline Réveillac
Oui, ça fait pleinement partie de la RSE, de l’intégration des parties prenantes. Il y a Je ne sais pas si tu connais Yonnel Poivre Le Lohé, qui a écrit un bouquin récemment, justement, sur le greenwashing, comment éviter le greenwashing. Son bouquin décrit très bien Comment on intègre les critiques qui pourraient être formulées ? Pour moi, dans la communication responsable, le militantisme, peut-être que par rapport à d’autres personnes qui revendiquent faire de la communication responsable, puisqu’aujourd’hui, tout le monde fait de la communication responsable, responsable, c’est effectivement aller un poil plus loin, toujours garder cet esprit critique et toujours se décentrer de ce qu’on est en train de faire pour le remettre en perspective avec le monde actuel qui est soumis à des limites planétaires et donc on ne peut pas accepter de communiquer, je vais te donner un exemple, de communiquer sur un avantage qui est réel par rapport à l’entreprise. Il y a eu peut-être de la R&D pour arriver à un avantage écologique. Mais en fait, si on est lucide, si on regarde cet avantage au regard des enjeux de la transformation écologique des limites planétaires, en fait, cet avantage, rien à carrer. Et on n’a pas à…

Céline Réveillac
C’est juste le minimum syndical. Et pour moi, elle est là, peut-être, la approche un peu plus militante, c’est que je dois… Les gens avec qui je travaille, je dois leur faire comprendre qu’ils doivent être prêts, en tout cas quand on travaille ensemble, ils doivent être prêts à renoncer à communiquer s’il le faut, si ça n’est pas en lien avec… Ce n’est pas cohérent avec les limites planétaires.

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Jonathan Loriaux
Sachant que non seulement ils devraient être prêts à renoncer à communiquer, mais peut-être à produire des nouveaux produits qui sont des produits purement marketing, comme la plupart des produits aujourd’hui, mais qui ne répondent pas à une vraie problématique. Il y a de vrais objectifs écologiques qui sont juste créés pour avoir un petit avantage dans une longue liste de désavantages, juste pour pouvoir communiquer sur cet avantage et le mettre en avant de manière importante. On parlait de greenwashing, du coup. C’est quoi ta définition du greenwashing et comment on fait pour combattre ce greenwashing ?

Céline Réveillac
Sur la définition, je ne vais pas être très très original.

Jonathan Loriaux
Ça ne doit pas forcément être originale.

Céline Réveillac
Le greenwashing, c’est un message qui veut faire croire à des avantages écologiques ou durables qui sont supérieurs à ceux de la réalité. En fait, c’est une utilisation abusive d’un argument écologique. Le greenwashing, je le précise parce que même si on commence à le savoir, il faut toujours le redire, c’est considéré comme une pratique commerciale trompeuse trompeuse. La loi Climat et résilience l’a vraiment inscrit noir sur blanc comme pratique commerciale trompeuse, mais même avant cette loi Climat et résilience, le greenwashing était considéré comme une pratique commerciale trompeuse. Donc, on peut être attaqué pour le greenwashing. Et puis, au-delà de l’aspect juridique, pour moi, le greenwashing pose des problèmes pour la transformation écologique. Il ralentit la transformation écologique qu’on doit opérer dans le sens où il floute, je trouve, on ne dit pas comme ça. Il rend le message très flou, il rend confusant les messages et les efforts à porter. Si j’achète des baskets qui sont en plastique recyclé, comment je sais que mon acte de consommateur-citoyen engagé, il participe vraiment à cette transformation écologique. Aujourd’hui, je trouve que les communications des entreprises ne permettent pas de réellement se rendre compte de la portée de nos actes de consommation.

Céline Réveillac
Donc, ça freine tous les actes citoyens qu’on voudrait avoir et ça rend plus transparent certaines entreprises, certains produits qui font vraiment les choses bien. Parce qu’entre une entre une paire de baskets écologiques et une autre paire de baskets écologiques, comment le citoyen fait la différence ?

Jonathan Loriaux
Et du coup, comment on fait pour essayer de le combattre, les deux moyens qui sont souvent évoqués, c’est la formation pour que les parties prenantes puissent se rendre compte de ce que c’est réellement le greenwashing, de quand ça commence, de quand ça finit, etc. Il y a aussi la dénonciation. Donc, j’imagine que c’est ce que tu as fait pendant un certain temps sur ton compte Instagram, Greenwashinglovers. Est-ce que ça reste ça les deux principaux axes pour améliorer la situation sur le greenwashing ?

Céline Réveillac
C’est des axes hyper importants. La formation est vraiment un axe hyper important. Maintenant, il faut que la formation ne soit pas aussi du greenwashing. Il faut que la formation soit d’un niveau qui permettra aux professionnels de la communication vraiment de se rendre compte à quel moment ils rentrent dans le greenwashing ou pas. Dénoncer le greenwashing, c’est un moyen de lutter contre le greenwashing. Maintenant, je pense que d’abord, on reste dans nos bulles et donc je ne suis pas sûre que les dénonciations aillent au-delà de nos bulles. Et puis, en termes de réputation, en réalité, quand on dénonce le greenwashing, ça n’a strictement aucune conséquence, malgré ce qu’on dans ce qu’on entend, moi, je ne crois pas au fait que ça ait des conséquences sur la marque. Parce que de toute façon, les personnes qui entendent cette dénonciation de greenwashing, a priori, c’est des personnes qui, de toute façon, n’auraient pas acheté le produit de facto. Donc, la question de la réputation, moi, j’y crois moyennement. Il y a quand même un dernier axe dont on a parlé, c’est l’axe législatif, c’est l’encadrement. Aujourd’hui, la communication, elle fonctionne avec de l’autorégulation via à l’ARPP.

Céline Réveillac
Ce sont les professionnels de la communication eux-mêmes qui édictent leurs propres règles. Et ça fait de nombreuses années qu’il est demandé d’avoir une vraie autorité de régulation indépendante, tant sur les contenus que sur la quantité de publicité qu’on absorbe.

Jonathan Loriaux
Ok, du coup, on retourne quand même dans la dénonciation parce que là, déjà, des gens comme Mathieu Jahnich, par exemple, vont aller déposer des plaintes à la pelle à l’ARPP. Et donc, même s’il y avait une autorité indépendante, ça resterait quand même le meilleur moyen d’agir, c’est de créer la crainte et de faire que les marques soient plus plus attentive à ce qu’elles produisent comme communication environnementale.

Céline Réveillac
C’est malheureux à dire. Moi, je trouve que là, on devrait faire les choses parce qu’on veut grandir dans un monde qui sera habitable. On ne devrait pas faire les choses parce qu’on a peur de sanctions. On devrait faire les choses pour le bien de la société entière. Moi, personnellement, c’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à comprendre. On incite les professionnels de la communication à faire de la comm’ responsable à du telecommunication. Alors, soit par l’angle du risque réputationnel ou du fait que ça va développer le chiffre d’affaires. De façon personnelle, ça m’emmerde d’y aller par cet axe, mais on est obligé.

Jonathan Loriaux
Malheureusement, je ne pense pas qu’il y ait d’autres moyens non plus, en tout cas dans un premier temps. Quand on avait discuté avant cet entretien-ci, tu m’avais parlé de ton mémoire d’études qui portaient sur le marketing et la communication responsable et tu en as déjà parlé très brièvement. C’était quoi les principaux enseignements et les des découvertes que tu as pu extraire de ce travail-là ?

Céline Réveillac
Mon mémoire de fin d’études, il date de 2009. Ça fait un petit bout maintenant.

Jonathan Loriaux
C’est intéressant, justement, de voir comment ça a évolué et comment ça a changé.

Céline Réveillac
Je me suis plongée dedans. C’est hyper intéressant. D’abord, il faut savoir qu’au départ, mon sujet de mémoire, je l’avais porté sur ce que j’avais appelé le marketing vert. Et puis, J’ai découvert que le marketing vert, on n’était que sur le prisme de l’environnement et que le développement durable, ce n’est pas que l’environnement. Donc, j’ai appelé ça… Je ne sais plus le titre exact, mais en tout cas, le sujet était bien le marketing responsable. C’est un mémoire qui m’a permis d’échanger avec des professionnels qui, en 2009 déjà, les professionnels s’interrogeaient déjà sur leurs pratiques et il existait déjà des agences de communication responsable ou des indépendants qui pratiquaient une communication différente, qui avaient mis en place des outils. Ça me fait doucement rire. Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a un gros boum au milieu, dans la sphère des communicants, du sujet de la communication responsable. Tout le monde s’y intéresse, c’est génial. Mais en fait, on n’invente rien. Les outils, ils existaient déjà. Les conclusions du mémoire en fait, j’aurais pu les réécrire quasiment mot pour mot, là, en 2024. Ce que je disais à l’époque, c’est que je disais c’est que dans quelques années, le développement durable ne sera plus une tendance, mais une exigence.

Céline Réveillac
Il faut savoir que mon directeur de mémoire, je l’ai peut-être déjà dit. Non, je ne l’ai pas dit. Pour mon directeur de mémoire, qui n’était pas franchement emballé par le sujet, le développement durable, c’est une mode. Dans quelques années, on n’en parle plus. Moi, dans mes conclusions, je me suis tenue à ça. Le développement durable, non, ce n’est pas une mode et ça deviendra une leurs exigences dans les années à venir. Ensuite, je disais qu’il ne doit pas correspondre à une politique de communication seule, mais à un réel engagement de la part des entreprises. J’inscrivais ça en disant que le problème, c’est qu’on était plutôt sur des faits communicationnels et pas une réelle politique de transformation. Je parlais aussi de la saturation des messages responsables qui allaient finir par ne plus être différenciants si toutes les marques communiquaient sur ce terrain. On y est. On y était en 2009. On y est toujours et c’est la situation a largement empiré. Et ça, je ne me souvenais pas de m’être questionnée sur ce sujet parce que moi, j’ai l’impression que c’est quelque chose que j’apprends au fur et à mesure.

Céline Réveillac
Pendant des années, je me suis vraiment focalisée sur la question du greenwashing. Et puis, j’ai un peu ouvert mes réflexions sur vraiment la place de la publicité dans la société et toutes les autres conséquences sur la société. Et à l’époque, je relevais aussi la contradiction des marques qui poussent à la de consommation alors qu’on est dans un monde soumis à des limites et que notre société de consommation, elle doit aussi ralentir, si ce n’est réduire. Je disais que les marques et le développement durable étaient deux notions antinomiques qu’il faudrait parvenir à concilier. Ça, c’est une question à laquelle je n’ai toujours pas répondu en réalité. Comment on fait pour continuer à se développer ? Quand on est une marque, on incite à consommer son produit. Comment on fait dans un monde qui est soumis à des limites ?

Céline Réveillac
Quinze ans après, travaille toujours en cours.

Jonathan Loriaux
Du coup, Tu parlais de la saturation des messages responsables. C’est un point que je veux bien approfondir parce que c’est vrai qu’aujourd’hui, beaucoup de marques axent sur l’aspect responsable de la réactivité, que ce soit légitime ou pas, qu’elles le fasse. Mais en fait, tant qu’on n’a pas un monde de l’entreprise qui est devenu vertueux à 100%, tout le monde va continuer à dire qu’il est le plus vertueux. Ce n’est que dans un monde où tout le monde appliquerait des standards très élevés sur les questions sociales et environnementales, qu’on pourrait enfin se dire: Comme maintenant, c’est devenu naturel et que tout le monde y est, on peut repasser sur des messages qui sont peut-être un peu différents. Mais du coup, est-ce qu’on n’est pas condamné à cette saturation jusqu’à ce que, et on peut rêver, on est basculé dans un monde où tout le monde fait le job correctement ?

Céline Réveillac
Là où il y a un endroit où on peut agir, c’est… Malheureusement, ça repose sur le citoyen, mais c’est l’esprit critique du consommateur et du citoyen. Aujourd’hui, le consommateur, ça n’est qu’une partie des consommateurs. Une petite partie des consommateurs est très alerte et conscient que la publicité nous raconte bien ce qu’elle veut. En réalité, on est tous influencés par la publicité, de façon inconsciente également. Mais éduquer les citoyens, les sensibiliser, les questionner, vraiment à les aider à avoir cet esprit critique. Je pense que c’est quelque chose qui permettrait de changer un peu les choses. Et puis, du coup, si le consommateur est averti, s’il ne croit plus ce qu’on lui raconte, ce qui est déjà le cas en grande partie, peut-être que le professionnel de la communication, ça l’aidera à se dire: OK, j’arrête de raconter des conneries et je change un peu mon fusil d’épaule. Là-dessus, du côté des professionnels de la com, la difficulté, c’est qu’on nous a appris la communication. On nous a appris que c’était enjoliver les choses, que c’était une chose belle. Oui, influencé et puis vraiment enjoliver. On nous a pas appris qu’on pouvait communiquer sur des difficultés, éventuellement même sur des défauts ou juste informer de façon factuelle.

Céline Réveillac
Là, je crois qu’il y a vraiment toute une manière de communiquer différente à imaginer. Ce n’est plus la communication ou la publicité à la papa. On a des professionnels qui savent faire ça, mais ça reste une toute petite partie.

Jonathan Loriaux
Au final, la communication responsable, c’est devenu une espèce de tactique, dans certains cas, qui est de montrer qu’on est plus vertueux que le voisin. Peut-être que ce qui va permettre de transcender ça, c’est d’être vraiment transparent, mais intégralement transparent dans sa communication, ce qui est quand même très peu le cas et certains n’ont absolument pas d’intérêt à à le faire. Et c’est aussi d’éduquer les consommateurs et de leur apprendre les bons réflexes pour justement faire le tri entre les vraies promesses, les fausses promesses, les ordres de grandeur qui est un sujet ultra classique et c’est là où on verra ceux qui sont capables de se mettre à poil dans leur communication et de montrer tout ce qu’ils ont, alors que d’autres essaient juste de rajouter encore et toujours un habillage un petit peu plus vert. Justement, dans dans ce cadre-là, est-ce que toi, tu as des marques ou des organisations qui t’inspirent particulièrement dans leur manière de communiquer et que tu trouves vertueuse dans la communication, mais aussi forcément dans ce qui est derrière la communication ?

Céline Réveillac
On peut tout à fait avoir des exemples de communication responsable très précis pour des entreprises qui ont encore beaucoup de chemin à faire, parce que c’est sûr que transformer les modèles économiques, c’est un gros taf. Mais oui, il n’y en a pas énormément et je vais peut-être retomber sur des exemples qu’on t’as déjà donnés.

Jonathan Loriaux
Ce n’est pas grave, ça montre à quel point ils sont bons, si tu cites les mêmes.

Céline Réveillac
Je suis une grande fan de la communication et de l’entreprise Loom, qui est donc une marque de mode. Julia Faure, la fondatrice, a des discours sur l’entrepreneuriat, sur le modèle de réussite qui sont hyper intéressants et qui se retranscrivent dans la communication. Ils sont dans l’échange avec le consommateur, dans la transparence. Ils expliquent ce T-shirt, combien de temps tu vas pouvoir le garder, pourquoi, comment tu l’entretiens. Il y a aussi des messages de prévention pour garantir la durabilité. J’aime aussi beaucoup le fait qu’ils envoient sur leurs cartons, quand on reçoit des produits, on a indiqué respectueux emballage, recyclé, recyclable, respectueux de l’environnement, etc. Ça, c’est ce qu’on a de façon traditionnelle. Loom, eux, ce qu’ils disent sur leur carton d’emballage, c’est que tout produit, toute production a un impact. Et donc ce carton, oui, très bien, il est recyclable, etc, mais il a un impact. Et donc, il faut là aussi le garder, le réutiliser. Et je trouve que c’est être, un, lucide et deux, c’est sensibiliser le consommateur. J’aime beaucoup aussi le label Emmaüs, qui est une marketplace, mais qui est dans l’économie sociale et solidaire, et qui casse les codes complètement, qui est une communication pour se faire une place parmi le marché de la seconde main, puisque la seconde main commence à être vilipendés par les grands acteurs.

Céline Réveillac
Ils sont face à Vinted, notamment. Ils ont des actions de communication hyper différenciantes et qui sortent des sentiers battus. Ils ont notamment fait une communication directement sur Vinted où ils ont mis des produits en vente. Ils ont fait la promotion du label Emmaus via Vinted. Je Ils trouvaient ça hyper gonflé de leur part et j’imagine que ça a bien fonctionné. Et puis, plus récemment, là, en ce moment, on a Telecoop et Commown qui sont des coopératives qui ont pour projet d’installer des cabines téléphoniques en France.

Jonathan Loriaux
On les a reçus sous les deux, séparément, dans ce podcast.

Céline Réveillac
Très bien. Je trouve que leur manière de se faire connaître, Donc, en fait, s’appuient sur leur… Finalement, ils font du plaidoyer, ils ont des revendications qui sont fortes dans leur secteur d’activité. Et du coup, ils mènent des actions qui servent leur plaidoyer et qui permet d’avoir des retombées presse, de se faire connaître et d’engager la discussion avec le citoyen. Et je trouve là aussi, c’est une manière de communiquer qui n’utilise pas les codes traditionnels, la communication de masse. Je pense que c’est ce genre, ce que font Label Emmays, Telecoop et Commown, c’est des moyens de communication qu’il faudrait utiliser quand on parle de communication responsable. C’est vraiment sortir des sentiers battus, casser les codes et détourner la fonction communication au service du citoyen et de son plaidoyer.

Jonathan Loriaux
Canon. Une petite dernière pour terminer. Est-ce que tu aurais éventuellement un message à transmettre aux jeunes professionnels de la communication qui aimeraient s’engager dans une démarche de communication responsable ? Sachant qu’effectivement, quand on sort d’une école de commerce, ce n’est pas simple de savoir comment faire. Comment on fait pour s’engager ?

Céline Réveillac
Je dirais d’abord, c’est peut-être la chose la plus importante, c’est de ne pas avoir peur de déconstruire ce qu’on a appris, de conserver, je parlais d’esprit critique, d’avoir un esprit critique, de remettre en question ces fameux: C’est comme ça. Et de ne pas suivre les tendances sans se demander pourquoi, quel est le sens derrière cette tendance. Deux exemples, les algorithmes sur les réseaux sociaux. Quand on communique, quand on apprend à communiquer, on nous dit: Il faut communiquer, il faut publier trois fois par semaine sur les réseaux sociaux avec de la vidéo, parce que c’est comme ça que les algorithmes fonctionnent et c’est comme ça qu’on aura de la visibilité. Là-dessus, moi, ce que je voudrais dire aux étudiants puis aux professionnels, c’est pourquoi il faudrait suivre ces algorithmes. Ok, on peut tout à fait décider de les suivre, d’instaurer avec ses propres règles et d’instaurer ses propres règles par rapport aux algorithmes qui sont définis en plus dans un instant T. Dans six mois, ça ne sera plus les mêmes règles. Et donc savoir se définir ses propres règles, pour donner du sens à ce qu’on est en train de faire. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’intelligence artificielle. C’est quelque chose soi-disant d’incontournable. C’est intégré maintenant dans les cursus. J’espère que quand c’est intégré dans les cursus, on apprend à à avoir un peu de hauteur là-dessus et à l’utiliser en se rendant compte des conséquences. Et là, pourquoi on devrait utiliser l’intelligence artificielle ? Aujourd’hui, dans tous nos outils, d’ailleurs les outils d’emailing, les plateformes d’envoi d’emailing nous proposent de l’intelligence artificielle. Là-dessus, avant d’y aller tête baissée, pour moi, il faut questionner ces usages et savoir pourquoi on le fait et quelle plus-value pour nous, et les mettre en perspective avec les conséquences qu’on connaît ou pas, mais en tout cas, aller se renseigner sur les conséquences de ces usages.

Jonathan Loriaux
Remettre en question, encore et toujours. Merci beaucoup pour ta participation à ce podcast. Et à bientôt.

Céline Réveillac
Merci beaucoup à toi.

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