Free.fr : Les FAI ont-ils le droit de filtrer le spam ? L’avis de Maître Haas.

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Vous en avez probablement entendu parler, Free a été condamné il y a quelques jours par le Tribunal de commerce de Paris concernant le blocage des emails envoyés par la société Buzzee par les services anti-spam de Free.

Du point de vue de Badsender, c’est une décision qui peut très largement être dommageable pour l’ensemble de l’industrie emailing « raisonnable ». Si aujourd’hui les consommateurs continuent à réagir aux campagnes emailing envoyées par les marques, c’est très largement parce que les FAI et les webmails ont réussi ces dernières années à améliorer la séparation et le filtrage entre des messages de type spam et toute la communication commerciale légitime.

Pour y voir plus clair, et comme nous ne sommes pas juristes, nous avons demandé à Maître Gérard Haas, avocat spécialisé dans les questions numériques, de nous donner son point de vue sur la question.

Le juge a donc interdit à Free de filtrer les messages envoyés par le spécialiste de l’emailing, considérant que l’opérateur télécom n’était pas chargé de veiller au respect des dispositions de l’article L. 34-5 du Code des postes et des communications électroniques. Soulignons que cet article interdit que des messages de prospection commerciale soient envoyés à des personnes physiques sans l’accord préalable de ces dernières pour les recevoir, et ce d’autant plus qu’il ne démontre pas que ces messages sont des spams ni qu’ils ont été filtrés à la suite de plaintes de certains de ses clients. – Maître Gérard Haas

C’est sur la légitimité que Free.fr peut avoir concernant le filtrage du spam que le tribunal s’est prononcé. Par contre, il ne s’agit pas de généraliser cette décision à l’ensemble des FAI.

Rappelons ici qu’il s’agit d’une ordonnance de référé, rendue par une juridiction de première instance statuant en urgence sur une évidence. Sa portée reste donc limitée et ne signifie pas automatiquement que cette interdiction de filtrer les spams s’appliquera de manière uniforme à tous les fournisseurs d’accès à Internet. L’impact de cette décision doit donc être tempéré à ce stade de la procédure. Il s’agit néanmoins d’un indicateur intéressant à prendre en compte. – Maître Gérard Haas

La neutralité au cœur de cette décision

Concernant le filtrage, il convient d’observer que les fournisseurs d’accès à Internet tels que Free sont soumis à une obligation de neutralité. En effet, l’article D. 98-5 du Code des postes et des communications électroniques impose à l’opérateur de prendre « les mesures nécessaires pour garantir la neutralité de ses services vis-à-vis du contenu des messages transmis sur son réseau et le secret des correspondances. A cet effet, l’opérateur assure ses services sans discrimination quelle que soit la nature des messages transmis […]».

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Ce principe de neutralité est d’ailleurs au cœurs des réformes actuelles. Ainsi, le projet de loi pour une « République numérique », porté par Axelle Lemaire et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 26 janvier dernier, modifie l’article L. 33-1 du Code des postes et des communications électroniques en rajoutant un alinéa sur la neutralité de l’Internet. – Maître Gérard Haas

Le secret de la correspondance s’appliquerait aussi aux filtres anti-spam

C’est un sujet que l’on a déjà eu l’occasion d’aborder à plusieurs reprises et qui explique largement les différences de filtrage entre les grands webmails américains et ce que les opérateurs français ont le droit de réaliser. En France, pas question d’analyser les interactions que le destinataire pourrait avoir avec son email (ouverture, clic, suppression, …), seules, a priori, les plaintes spam sont utilisées.

Par contre, avant livraison en boîte, les opérateurs français analysent évidemment les emails entrant, principalement avec Vade Retro (lire l’interview que nous avions réalisée de la société française), mais aussi avec d’autres solutions du marché comme Cloudmark. Cette analyse pourrait elle aussi poser problème.

Tout d’abord, le fait pour un opérateur de filtrer les emails envoyés à ses clients implique qu’il soit obligé d’ouvrir les emails en question afin de savoir si le client destinataire a donné son consentement en vertu de l’article L. 34-5 du Code des postes et des communications. Or, en prenant connaissance du contenu de ces messages, il violerait le secret des correspondances prévu par l’article L. 32-3 du même Code, ce que ne manque pas de rappeler le Tribunal de commerce dans son ordonnance. – Maître Gérard Haas

La solution sera vite trouvée : changer les conditions d’utilisation des services email des FAI

Il convient enfin de relever que dans son ordonnance du 20 janvier 2016, le Tribunal de commerce n’interdit pas un filtrage des messages par les opérateurs dans le cas où les destinataires de ces messages ont donné leur autorisation : les opérateurs explicitement mandatés à cet effet retrouvent donc un rôle dans la protection de leurs clients face à la menace du spam. Bien entendu, la possibilité d’accorder ce mandat devra être prévue par les opérateurs souhaitant se livrer au blocage, par exemple dans le cadre de contrats types ou dans leurs conditions générales de vente, et devra être encadrée par des critères précis. – Maître Gérard Haas

Si l’on veut garder le niveau actuel de filtrage, il va probablement être indispensable pour les opérateurs de renforcer leurs conditions de vente afin que chaque utilisateurs de leurs plateformes email donne son accord sur les techniques de filtrage et de blocage des spammeurs. Pour le grand public, c’est une évidence, et il ne devrait y avoir aucun problème à collecter ce consentement. En effet, aujourd’hui, le choix d’un webmail est principalement défini par les qualités et les performances du filtrage du spam. De leurs côté, les FAI ont tout intérêt à conserver un maximum des utilisateurs de leurs webmails. Ceux-ci constituent bien souvent une porte d’entrée indispensable vers leurs portails et donc leurs revenus publicitaires.

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L’auteur

2 réponses

  1. Pas sûr que l’ensemble des FAI aient besoin de changer leurs CGV… qui prévoient déjà ces cas de figure.

  2. Merci pour cette remarque Thomas !

    J’avoue que je n’ai pas pris le temps d’analyser leurs CGV 🙂

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