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Emailvision : retour sur le rebranding et le grand virage API

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Cette tribune vous est proposée par Elie Chevignard. Elie revient sur le changement de nom d’Emailvision en Smart Focus et nous donne son avis sur la question.

Pour une entreprise établie, un rebranding n’est pas une mince affaire : ce n’est pas comme une startup qui change de nom au bout de six mois. J’étais chez PricewaterhouseCoopers lors de la transition vers « PwC » : un changement majeur. Ce n’était pourtant qu’une question de logo et d’initiales, un peu comme lorsque Kentucky Fried Chicken est devenu KFC en 1990. Mais quand même : tout le monde devait se concentrer sur ce sujet stratégique. Derrière une nouvelle apparence, il y a un changement des valeurs, de l’USP, etc. Tout ceci coûte des millions et occupe des experts en communication pendant des mois : une erreur peut coûter très cher et rien ne peut être laissé au hasard.

Quand une marque choisit de carrément changer son nom, c’est souvent suite à des conditions extrêmes. En raison d’une mauvaise réputation, Andersen est ainsi devenu Accenture après le scandale Enron ; et Philip Morris est devenu Altria pour être moins connoté « cancer-industrie du tabac ». Une image négative n’est néanmoins pas le seul motif d’un rebranding : perdre des parts de marché peut pousser à ce genre de choix.

Un rebranding pour cause de pertes de parts de marché ?

Emailvision était côté sur Alternext jusqu’en septembre 2010, avant de redevenir privé lors du rachat par le fonds Francisco Partners. Du coup, les informations financières que l’on trouve depuis cette date sont éparses. L’entreprise semble s’être bien portée jusqu’en 2011, année à partir de laquelle certains éléments m’échappent.

Un communiqué publié sur emailvision.com et encore disponible dans le cache de Google   rapporte une augmentation de 50% du chiffre d’affaire entre 2010 et 2011 ($90M). Pour 2012, silence radio. Par contre, le Journal du Net place bien Emailvision dans son classement des « Champions français du SaaS 2012« . Une croissance de 19,6% y est rapportée. Les chiffres se basent en partie sur un rapport annuel édité par PwC (AFDEL).

Problème : le CA du communiqué ne colle pas vraiment. En effet, on a d’un côté les 72 millions d’euros ($90M) du communiqué de 2011, et puis de l’autre, un « 51 millions d’euros », pour la même année (cf. source JdN). Sur societe.com, un 3ème son de cloche encore plus alarmant : 31 millions d’euros de C.A. pour 2011. Est-ce que la machine s’essoufflerait ? (Ou bien je passe à côté d’une subtilité comptable, mais laquelle ? Je ne suis pas expert.). Notez que je parle là du C.A., mais le seuil de rentabilité est évidemment aussi loin d’être atteint. Bref…

Début 2013, Nick Heys s’est retiré du poste de CEO pour laisser la place à Brad Wilson, un ancien dirigeant de Microsoft. Le fondateur iconique était en place depuis 13 ans, mais il avait liquidé ses parts en 2010, lors du rachat par le fonds : son départ n’est donc pas forcément dû à de mauvaises performances, il avait peut-être envie de tourner la page. Toujours est-il : beaucoup de changements depuis l’année 2011.

2011 : nouveaux services emailing et déflation

Cette année 2011 correspond à l’arrivée sur le marché d’une série de nouveaux acteurs, spécialisés sur le routage et la délivrabilité, le tout avec un modèle flexible et sans engagement. Même Amazon s’est lancé à cette époque… Beaucoup de clients des emailers historiques type Emailvision n’utilisaient que la fonction routage du service, sans se soucier des multiples fonctionnalités marketing. Par conséquent, il était évident pour eux de se tourner vers cette nouvelle génération de routeurs.

Les emailers historiques ne pouvaient adapter ni leur prix, ni leur produit, car il n’avaient ni la technologie, ni l’organisation nécessaire pour cela. Le meilleur choix s’offrant à eux semblait être de poursuivre leur diversification déjà amorcée : passer de « plateforme d’email marketing » à « plateforme marketing 360 ». Mais ce positionnement ne résout pas tout.

Les potentiels mirages du positionnement tout-en-un « cloud marketing platform »

Les ESP historiques peuvent réagir de différentes manières à la déflation : soient ils tâchent de créer plus de valeur avec l’email, soit ils tentent de se diversifier en se « sortant » de l’email. C’est ce deuxième choix qui est fait par Emailvision et c’est ce que traduit le rebranding. Le jargon du nouveau site est assez obscur, mais voici du moins comment je comprends les piliers de cette offre moins centrée sur l’email :

  • CRM, gestion du cycle de vie client
  • Big data
  • Social media management
  • Acquisition de traffic
  • Mobile
  • Email et délivrabilité

Strongmail qui s’est transformé en Strongview reprend à peu de choses près ce genre de positionnement, idem pour Epsilon et beaucoup d’autres. L’objectif semble être de couvrir tous les besoins en marketing, avec un seul produit : en somme, le bon vieux modèle de la « Suite » des années 90. Pourtant, en tant que client en 2013, je réfléchirais un peu : dois-je utiliser un seul service ? Ou devrais-je plutôt sélectionner un produit pour chacun de ces besoins, et tout intégrer ?

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Solution monolithique VS éléments séparés

Laissez-moi faire une comparaison. Le dilemme est très concret, un mélomane rencontre le même lorsqu’il veut s’équiper en hifi : il a le choix entre la chaîne tout-en-un et les éléments séparés. Dans un cas, il paye une fois et n’a qu’à brancher une prise sur le secteur, dans l’autre il doit payer, raccorder chacun des éléments et tout agencer par lui-même. Mais dans le premier cas, il aura un bloc fournissant des performances basiques, dans l’autre, il pourra sélectionner chaque élément qui lui convient le mieux pour ses besoins particuliers. Les éléments séparés permettent d’avoir du sur mesure.

La comparaison s’arrête là car en hifi, l’achat par éléments séparés coûte plus cher qu’en un seul bloc : ce n’est pas le cas dans le SaaS. D’où le potentiel « mirage » de la « cloud marketing platform » omnipotente. Les APIs portent une révolution souterraine : se tailler une solution à la fois plus performante et personnalisée, peut être moins onéreux que l’achat en un seul morceau. Bienvenue en 2013. Pour chaque pilier des offres « 360 » il existe a en effet des solutions très innovantes et compétitives, nées au cours des 2-3 dernières années.

Au-delà des acteurs spécialisés sur le « routage-délivrabilité » évoqués plus haut, il y a désormais des spécialistes du CRM – gestion du cycle de vie client : Klaviyo, Userfox, Customer.io, Vero, Sailthru,Totango, Evergage, Intercom.io ou USERcycle. Aussi nombreux que performants. Sur le segment Big Data, idem. En France on a par exemple les très pointus TinyClues et Dataiku. Même constat sur le mobile, le social, etc. La liste serait longue.

Être un acteur établi face à de jeunes pousses est normal, mais en plus de ça, quid des références existantes, dans le domaine de l’automatisation marketing ? Hubspot ou Marketo sont des concurrents. Eloqua et Exact Target aussi, sauf qu’en plus, ils viennent d’intégrer des écosystèmes décuplant leur puissance (Salesforce et Oracle…).

Le virage « SmartFocus » : tentative de retour vers le futur ?

Étant donné ce que je viens d’expliquer, vous comprendrez que ce nouveau nom n’a rien d’un hasard : il s’agit d’ailleurs de celui d’une entreprise rachetée par Emailvision en… juin 2011. C’est un peu comme si Facebook changeait de nom pour devenir « Instagram ». Ou bien Yahoo se renommerait « Tumblr ». Assez original. Le but est évidemment de renouer avec un esprit d’innovation, pour se mettre à jour.

C’est pourquoi on remarque un pivot à 360° sur la stratégie API, le nouveau site annonce ainsi une « gamme complète d’API » et une « communauté de développeurs (qui) élargit l’environnement SmartFocus en créant des applications innovantes ». Ceci est tout à fait nouveau et on constate d’ailleurs que des recrutements sont en cours pour aller dans ce sens : ils recherchent ainsi un API Product Manager, un rôle désormais clé pour tout service cloud (j’y avais consacré un article en avril dernier).

Tout le secteur de l’emailing est en mutation

Je me suis ici focalisé sur l’exemple Emailvision, mais comme mentionné, ce ne sont pas les seuls à avoir des dilemmes. Tous les acteurs historiques de l’emailing doivent soit élargir leur coeur de métier, soit développer des services à valeur ajoutée focalisés sur l’email.

Dans le premier cas, ils se retrouvent face à des acteurs aussi dangereux que ceux qui ont changé la donne du routage-délivrabilité. Dans le second cas, ils doivent soit innover rapidement, soit développer une qualité de service qui les démarque. Pensons au consulting : cette activité peut en effet générer de nouveaux revenus, sans pour autant bouleverser le coeur d’activité et la marque. Bluehornet a par exemple fait ce choix d’être ultra-proactif dans l’accompagnement des clients.

Au final, pour le virage d’Emailvision vers Smartfocus, on a du mal à décrypter la stratégie. Aux points soulevés ci-dessus, s’ajoutent en effet l’impression que ce changement clé avait été fait à la va-vite : dans les premières semaines, le nouveau site était truffé de fautes, de problèmes de mise en page et de redirections mal gérées. Même si ce n’est là que de la cosmétique, cela interroge les sous-jacents. Néanmoins, le site a désormais été entièrement revu, et il est même assez joli.

Le mot « email » a disparu de leur marque, ont-ils aussi perdu leur « vision » ? On peut se poser la question. Si je les avais conseillé sur le branding, je leur aurais au moins recommandé de prendre un nom du genre « Smartvision » : le meilleur des deux mondes en quelque sorte. Quand on y pense, c’est ce qu’a fait Strongmail en devenant « Strongview ». À suivre.

Crédit image : Clusternote, Creative Commons Attribution 2.0 Generic license

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L’auteur

4 réponses

  1. Article très intéressant et très instructif.

    Bon boulot…

    Cordialement,

  2. Attention à ne pas confondre le CA consolidé de l’ensemble des activités du groupe soit $90M en 2011, ceux de l’activité d’Emailvision dans le monde uniquement soit 51 M€ et ceux de la filiale française ‘Emailvision France’ qui représentaient 43% de l’activité du groupe en 2011 soit 31 M€.

  3. Tout ce que je connais d’EMAILVISION c’est que notre association reçoit régulièrement des spams de leur part (depuis des années…). Sachant que notre adresse email est confidentielle et donc non OPT-IN de surcroit.

    C’est même pire que ça: il est quasiment certain que notre adresse email a été fabriquée de toutes pièces par combinaison de mots courants et de noms de domaine.

    Ne parlons même pas des demandes de désabonnement jamais respectées. La parfaite entreprise d’email marketing à la française que se moque des lois et qui profite du sentiment d’impunité qui règne dans ce domaine.

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